Статті в журналах з теми "Économie du rituel"

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Liu, Xun. "In Defense of the City and the Polity: The Xuanmiao Monastery and the Qing Anti-Taiping Campaigns in Mid-Nineteenth Century Nanyang." T'oung Pao 95, no. 4 (2009): 287–333. http://dx.doi.org/10.1163/008254309x507061.

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Анотація:
AbstractThis paper examines the role played by the Quanzhen Daoist Xuanmiao monastery in the defense of Nanyang (Henan) during the Taiping rebellion. It shows that Daoist loyalty to the Qing state and to the local community did not just stem from the abbot's personal hatred of the Taiping; it also mirrored the monastery's established pattern of collaboration with the imperial state since the early Qing and its long history of ritual service to and economic involvement in the local community. Because of its wealth and cultural and political influence the Xuanmiao monastery functioned as a vital and dynamic actor in shaping the history and society of late nineteenth-century Nanyang. Cet article est consacré au rôle joué par un monastère taoïste Quanzhen, le Xuanmiao guan, dans la défense de Nanyang (Henan) pendant la rébellion des Taiping. Il montre que la loyauté des taoïstes envers l'État Qing et la communauté locale n'était pas simplement l'effet de la détestation qu'inspiraient les Taiping au supérieur du monastère; elle reflétait aussi un modèle bien établi de collaboration avec l'État impérial depuis le début des Qing, ainsi qu'une longue histoire de service rituel et d'intervention économique au bénéfice de la communauté. Grâce à sa richesse et à son influence politique et culturelle, le monastère Xuanmiao a été un acteur important et dynamique dans l'histoire et l'évolution sociale de Nanyang à la fin du xixe siècle.
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Weber, Florence. "Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage." Genèses 41, no. 1 (2000): 85–107. http://dx.doi.org/10.3406/genes.2000.1649.

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Parise, Fanny. "Le sens du quotidien en Occident. Du « dernier repas » omnivore aux « premiers repas » végétaux." Thème 23, no. 1 (August 15, 2017): 81–106. http://dx.doi.org/10.7202/1040867ar.

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Анотація:
Le contexte incertain produit une multitude de quêtes de sens pour le consommateur occidental : il se « bricole » une réalité qui rend plus acceptable les « dissonnances cognitives » avec lesquelles il doit composer quotidiennement et qui affecte son régime alimentaire. Les réseaux numériques hébergent une pluralité de nouveaux mangeurs : les praniques, les sans glutens, les végétariens, les crudivores, etc. Ces nouveaux mangeurs souhaitent s’émanciper du système marchand traditionnel, tout en se positionnant non pas en opposition mais en stratège constructiviste du modèle économique actuel. Ces « créatifs culturels » construisent une consommation signifiante où leur interlocution angoissée avec le monde devient ultra-visible. Ils intègrent certains mythes anciens comme l’allégorie chrétienne du « dernier repas » du Christ au sein de leur quotidien afin de bâtir un nouveau cadre normatif ; objectivant un syncrétisme socio-culturel singulier, tout comme l’établissement d’une nouvelle temporalité du rituel.
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Van Bockhaven, Vicky. "Les Congolais obtiendront-ils la restitution qu’ils demandent?" Afrika Focus 35, no. 1 (June 30, 2022): 190–98. http://dx.doi.org/10.1163/2031356x-35010011.

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Анотація:
Abstract Ce rapport évalue la politique belge visant à restituer au Congo les objets spoliés du Musée royal de l’Afrique centrale et qui s’appuie sur la recherche de provenance. Si la volonté politique de restituer est un jalon historique, cette approche, avec la restitution comme objectif final, ne tient pas compte des besoins des communautés du patrimoine. Dans le nord-est du Congo, la population exprime un sentiment complexe de perte autour de ce patrimoine, car l’administration coloniale a appris à considérer leur culture comme inférieure, tandis que les objets rituels qui servaient à protéger la communauté étaient enlevés. Les gens y voient une perte de pouvoir qui explique l’état économique et politique précaire du Congo, alors que la Belgique a prospéré, une vision qui est fortement sous-estimé en Occident. Plus fort que la demande de restitution, il y a la demande de solutions régionales qui permettent de renouer avec sa propre culture et son histoire. Un changement dans la politique belge est nécessaire, avec un accent sur le travail de mémoire et de réparation ensemble avec les communautés patrimoniales, plutôt que sur la recherche de provenance dans un musée belge.
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Ganglo, Caroline, Céline Dan, Augustin K. N. Aoudji, Alain Jaures Gbetoho, and Jean C. Ganglo. "Importance Socio-Économique De Xylopia Aethiopica (Dun) A. Rich. Pour Les Populations Du Sud-Bénin." European Scientific Journal, ESJ 13, no. 33 (November 30, 2017): 187. http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n33p187.

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Анотація:
Xylopia aethiopica is a multi-purpose Non Timber Forest Product (NTFP) which products are consumed across Africa. This study aimed at generating useful information to support the sustainable management of Xylopia aethiopica in southern Benin. A survey was carried out to interview 122 stakeholders, including consumers and traders. Data were collected on the consumption of Xylopia aethiopica products, the income generated by their marketing, and the management the species trees by local people. As results, the species was mainly used in traditional medicine. Other forms of consumption included: spiritual rituals, fuelwood, food, and construction timber. Among Xylopia aethiopica products, the fruits were the most commercialized. The stakeholders operating in the commercialization system were: collectors, processors-wholesalers, and retailers. The gross margin per 100 kg of fruits averaged XOF 4500 for collectors and processors- wholesalers, and XOF 2500 for retailers. Xylopia aethiopica trees were privately managed based on land ownership. Given the decrease of the species, because of over-exploitation and cultural beliefs, the sensitizing of local people and the promotion of domestication are expected to support its conservation
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Béchacq, Dimitri. "Histoire(s) et actualité du vodou à Paris. Hiérarchies sociales et relations de pouvoir dans un culte haïtien transnational." Studies in Religion/Sciences Religieuses 41, no. 2 (April 25, 2012): 257–79. http://dx.doi.org/10.1177/0008429812440973.

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Анотація:
Cet article examine les conditions historiques, sociales et matérielles des pratiques du vodou à Paris et en Ile-de-France. Les enjeux de ces pratiques soulignent une dynamique de visibilité et d’invisibilité, d’inclusion et de fermeture qui détermine autant les relations humaines à l’intérieur du culte que les rapports avec une société française réfractaire au vodou. Sa présence à Paris remonte aux années 1960, avec les mises en scène inspirées du culte, et elle s’inscrit dans une histoire qui débute par les tournées des troupes folkloriques, formées à Port-au-Prince dans les années 1940. Les pratiques contemporaines du vodou en Ile-de-France nécessitent des adaptations matérielles et rituelles. Elles relèvent autant d’une logique de protection que de relations de pouvoir fondées sur l’autorité religieuse et sur l’origine ethnique des pratiquants. Le vodou se révèle être un espace de compétition où les procédés de légitimation, véhiculés par des rumeurs, s’appuient sur des traditions et des territoires, sur la dimension économique et sur le respect des prescriptions rituelles. La circulation de ces rumeurs, de Paris à Brooklyn, suggère l’existence d’un espace transnational de moralité fondé sur des normes sociales et religieuses qui trouvent leur origine en Haïti. This article examines the historical, social and material conditions of the practice of Vodou in Paris and in the Ile-de-France region. This practice can be understood in terms of a dynamic of visibility and invisibility, of inclusion and exclusion which influences the human relationships within Vodou, as well as the resistance it has met in French society. Its presence in Paris goes back to the sixties, with theatre inspired by Vodou, and a history which begins with the tours of folk companies, trained in Port-au-Prince in the forties. The contemporary practice of Vodou in the Ile-de-France has involved material and ritual adaptations. It is founded as much upon a logic of protections as upon power relationships between religious authorities and the ethnic origins of Vodou practitioners. Vodou is revealed to be a competitive space where the process of legitimization, aided by rumours, is based on traditions and territories, on the economic dimension and on respect for ritual instruction. The circulation of these rumours, from Paris to Brooklyn, suggests the existence of a transnational space of morality based on social and religious norms which have their origin in Haiti.
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Givre, Olivier. "Entre marketing rituel, concurrence médiatique et gouvernance urbaine: les économies morales en transformation de la fête du Sacrifice (Kurban Bayramı) à Istanbul." European journal of Turkish studies, December 11, 2017. http://dx.doi.org/10.4000/ejts.5560.

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Van Bockhaven, Vicky. "Les Congolais obtiendront-ils la restitution qu’ils demandent?" Afrika Focus, April 19, 2022, 1–9. http://dx.doi.org/10.1163/2031356x-35010001.

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Анотація:
Abstract Ce rapport évalue la politique belge visant à restituer au Congo les objets spoliés du Musée royal de l’Afrique centrale et qui s’appuie sur la recherche de provenance. Si la volonté politique de restituer est un jalon historique, cette approche, avec la restitution comme objectif final, ne tient pas compte des besoins des communautés du patrimoine. Dans le nord-est du Congo, la population exprime un sentiment complexe de perte autour de ce patrimoine, car l’administration coloniale a appris à considérer leur culture comme inférieure, tandis que les objets rituels qui servaient à protéger la communauté étaient enlevés. Les gens y voient une perte de pouvoir qui explique l’état économique et politique précaire du Congo, alors que la Belgique a prospéré, une vision qui est fortement sous-estimé en Occident. Plus fort que la demande de restitution, il y a la demande de solutions régionales qui permettent de renouer avec sa propre culture et son histoire. Un changement dans la politique belge est nécessaire, avec un accent sur le travail de mémoire et de réparation ensemble avec les communautés patrimoniales, plutôt que sur la recherche de provenance dans un musée belge.
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Guille-Escuret, Georges. "Cannibalisme." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.119.

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Анотація:
Le terme cannibalisme, issu de la découverte par Christophe Colomb des Canibs antillais (les Caraïbes), cristallise la réunion de deux phobies millénaires au sein de la civilisation occidentale : d’une part, le refus politique par la Grèce antique de l’allélophagie (se manger les uns les autres), incompatible avec la cité au même titre que la société féminine des Amazones, et, d’autre part, la répulsion mystique que l’anthropophagie inspire au monothéisme, par la rémanence trouble d’un caractère sacré de la chair humaine. Dès lors, la notion unit deux « bestialités » en une dépréciation ultime de l’exotisme que, malgré un essai rebelle et lumineux de Montaigne, la science de l’homme subira en pensant a priori le cannibalisme sous forme de crime contre l’humanisme, à travers trois phases : l’accusation, tant que l’ethnologie s’associe au colonialisme, puis le silence, après la Première Guerre mondiale, et enfin la disculpation, voire une dénégation « faute de preuves », depuis le dernier quart du XXe siècle. Cela posé, au-delà du défi permanent lancé à une sérénité scientifique que l’anthropologie se devrait d’acquérir face à tout objet de réflexion, le thème du cannibalisme contient une multitude de questions d’autant plus intéressantes qu’elles sont demeurées en friche pendant que « le reste de l’ethnologie » affinait son élaboration. Toutes les sociétés pensent spontanément l’hypothèse d’un cannibalisme, ne serait-ce que pour en commenter l’indécence : par exemple, en tant qu’inceste alimentaire (Polynésie, Micronésie). Certaines ont pratiqué une anthropophagie médicale non cannibale, en ce sens que le traitement des organes destinés à une absorption n’entretient aucun rapport avec l’identité de leur porteur (Europe, Chine), ou bien que le prélèvement partiel sur un parent n’implique pas sa mort (Chine). Il arrive, cependant, que l’existence d’une sorcellerie utilisant régulièrement le corps humain s’étende par moments à une fébrilité guerrière (Afrique centrale et occidentale), intégrant ainsi un constat général : la pratique culturellement assumée du cannibalisme « clignote » le plus souvent sur la planète comme un phénomène inconstant, ou selon le mot de Claude Lévi-Strauss, « labile ». Plus précisément, le sentiment d’une fréquence à long terme dans de grandes aires (Mélanésie, Amazonie), ou certains types d’environnements (la forêt tropicale en tête), voile une instabilité de la pratique chez les peuples. Les exceptions éventuelles correspondent non à des modes de vie présumés « sauvages » ou « primitifs », mais à des peuples marqués au contraire par des hiérarchies instituées : en Amazonie et en Amérique centrale, la consommation de l’ennemi imprégna si nettement certaines cosmogonies (Tupi-Guaranis, Caraïbes, Nahuas) qu’elle s’y fixa sur une longue durée. Le rapport prédateur/proie y était ressenti à travers une circularité où les groupes échangent continuellement les rôles : l’affirmation de la parité chez les guerriers s’accorde à la stratification sociale, dans un schéma analogue à la conjonction du chevaleresque et de l'aristocratique chez les Occidentaux. Les Bataks de Sumatra, dont l’anthropophagie fut signalée sur sept siècles, constituent un cas limite différent : punitive, elle s’applique aussi bien aux membres de la communauté (cannibalisme dit « juridique ») qu'aux ennemis. Autre point remarquable : si l'on considère les grandes zones culturelles de la planète, l'exocannibalisme (c'est-à-dire, la consommation alimentaire de l'ennemi) ne couvre jamais, fut-ce provisoirement, la totalité de l'espace habité, loin s'en faut. D'une part, il existe toujours des groupes qui la rejettent parmi des voisins qui s'y adonnent. D'autre part, on trouve régulièrement la présence de deux usages assortis : l'endocannibalisme funéraire sur le corps du parent défunt, voire spécialisé sur les os (Amazonie), et la chasse aux têtes où le trophée se rapporte systématiquement à un seuil décisif du cycle vital (naissance, mariage, cérémonie agraire de fécondité). Les trois orientations surgissent dans les mêmes régions, mais s'assemblent rarement. La conjonction sur la chair humaine des anthropophagies guerrière et funéraire émerge ponctuellement en Amazonie et en Nouvelle-Guinée, où elle singularise une population par rapport aux autres. L'incompatibilité se révèle, certes, moins tranchée entre exocannibalisme et chasse aux têtes (Océanie), d'autant que le rituel d'adoption sur le trophée prévoit habituellement une absorption infime à un instant déterminé de son déroulement. Cela dit, chaque fois que ces deux opérations se combinent, la prépondérance de l'une d'elles s'affirme clairement aux dépens de l'autre. Enfin, entre endocannibalisme et chasse aux têtes, aucun compromis n'affleure. Sous le foisonnement des enregistrements d'une « prédation » à l'encontre du congénère, les interprétations globales ont confirmé le contrecoup d'une hantise idéologique par un antagonisme grossier des positions défendues : un matérialisme ultra-rudimentaire soutient la cause nutritive, malgré d'innombrables objections, en miroir d'aperçus psychologiques qui se contentaient jadis de rétorquer un désir de vengeance, ou de s'approprier la force de l'ennemi, et qui, aujourd'hui, défendent les impératifs de la faculté symbolique. Chacune de ces tendances persiste uniquement en exploitant les insuffisances de la vision adverse, ce qui masque une inaptitude à décrypter la logique des rapports sociaux inférés. Une troisième attitude souligne depuis le XVIIIe siècle la difficulté de protéger la rationalité devant l'aversion : le déni du fait, suivi d'une disculpation « faute de preuves », au nom de la malveillance des témoins (colons, soldats, etc.), opération qui élude la pertinence de « l'acte d'accusation » occidental. Là encore, cette vision rencontre un négatif : le panachage débridé de tous les cas enregistrés, y compris des anecdotes « modernes », en vue de ramener le problème à une pulsion abjecte. L'analogie entre un acte individuel d'anthropophagie dans une société qui la maudit et une coutume exotique est évidemment aussi absurde qu'odieuse. Pourtant, sur un mode moins spectaculaire, des récurrences sociologiques existent. Elles sont particulièrement prononcées dans des sociétés guerrières mais acéphales, qui reposent sur une économie horticole, forestière (Amazonie, Afrique, Asie du Sud-Est) ou insulaire (Océanie). Sous couvert d'une loi du talion d'où ressort un statut d'égalité jusque dans la relation prédateur/proie, et qui réclame que tout meurtre et toute consommation soit compensée, le cannibalisme habite les combats et participe souvent à une limitation de leurs dévastations en dissuadant les vainqueurs de pousser leur avantage. Des paix ont ainsi été conclues par le cadeau d'un membre du groupe avantagé aux adversaires pénalisés par l'affrontement (Nouvelles-Hébrides) : le repas consécutif scelle la fin des hostilités. Il arrive, cependant, que le cannibalisme se débride : il témoigne alors d'une crise grave et les Européens ont rarement compris que leur arrivée « tambour battant » avait décuplé par divers biais les violences auxquelles ils assistaient. La bestialité alimentaire qui les scandalisait, dans laquelle ils devinaient une pré-histoire, était en réalité toujours imprégnée par une lourde crise historique. En contraste, il s'avère plus aisé de cerner la prohibition intransigeante de l'anthropophagie guerrière qui s'étend continuellement en tache d'huile. D'abord, parmi les sociétés centrées sur le traitement d'un bétail, la domestication des animaux entraînant peu à peu une modification parallèle des rapports entre les hommes, à commencer par les étrangers, en y insinuant la perspective d'un assujettissement durable. L'ennemi quitte la scène de la chasse et les proies se transforment en troupeau. Chez les cannibales, le scénario majoritaire place le captif devant une alternative : être assimilé physiquement (repas), ou socialement (adoption). Chez les éleveurs, le choix tend à disparaître, et une gradation de l'asservissement semble s'y substituer. À un autre étage, l'interdit alimentaire se cristallise sous l'autorité centralisée de sociétés étatiques qui revendiquent une supériorité politique et culturelle, en dénigrant l'infériorité des modes de vie différents : en Europe et en Orient, mais aussi chez les Incas, ou à Hawaï, le refus de l'anthropophagie se soude à la sensation d'un rôle souverain qui rejette un principe de contigüité essentielle entre les peuples. En somme, il existe une multitude de motifs susceptibles de valider la consommation du congénère, alors qu'il n’y en a qu’un pour asseoir durablement la proscription de cette pratique : la domination. Un préjugé occidental tenace discerne une humiliation indubitable dans le fait de se repaître du combattant terrassé ou capturé, alors que, justement, elle n'effleure pas la plupart des cannibales. Montaigne a superbement démenti l'intuition et conclut par cette formule : « il est tué, non pas vaincu ». Inversement, celui qui se proclame civilisé, tout en accablant et opprimant « pour leur bien » les arriérés, primitifs ou barbares, ne tolère pas l'idée de les manger : ne subodore-t-il pas dans cette fusion un dédit de ses prétentions à rompre avec un passé qui perdure en l'autre? Pour leur part, lorsque les Fidjiens souhaitaient insulter la mémoire d'un homme singulièrement détesté, ils laissaient sa dépouille sur place après l'avoir terrassé, signifiant par là qu'ils ne daigneraient pas s'en nourrir.
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Morley, David. "Media Fortress Europe: Geographies of Exclusion and the Purification of Cultural Space." Canadian Journal of Communication 23, no. 3 (March 1, 1998). http://dx.doi.org/10.22230/cjc.1998v23n3a1048.

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Abstract: This paper addresses the question of the future of Europe under the conditions of the postmodern communications geography in which we now live. The paper explores the cultural dimensions of the issues (concerning the regressive nature of the images of a white, Christian Europe) which lurk beneath the economic ``bottom line'' of the European Union's attempts to create a single market in the audiovisual sphere. In this context, the paper also offers an analysis of the recent resurgence of ethnic nationalisms, as an index of the continuing significance of ``rituals of exclusion'' in contemporary European culture. This recalcitrant desire for the ``purification'' of cultural space is argued to indicate the widespread yearning for the ``lost'' (impossible) Heimat of the single Ethnos, from which alterity has (somehow) been eliminated. Résumé: Cet article adresse la question de l'avenir d'une Europe dans les conditions de la géographie des communications postmoderne que nous vivons actuellement. Cette article explore les dimensions culturelles des questions (concernant le caractère régressif de l'image d'une Europe blanche et chrétienne) qui sous-tendent l'absolutisme économique des tentatives que fait l'Union européenne de créer un marché unique dans le domaine audiovisuel. Dans ce contexte, cet article offre aussi une analyse de la résurgence récente de nationalismes ethniques, comme indice de la signification continue de "rites d'exclusion" dans la culture européenne contemporaine. Nous soutenons que ce désir récalcitrant pour la "purification" de l'espace culturel indique une nostalgie répandue pour une appartenance "perdue" (impossible) à une ethnie unique, de laquelle on aurait éliminé (d'une façon ou d'une autre) l'altérité.
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Wauthy, Xavier. "Numéro 59 - mai 2008." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco.v1i0.15653.

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"Yahoo refuse l'offre de rachat de Microsoft !" L'encre des gros titres commentant cette décision est à peine sèche que le géant de Redmond pourrait, selon la rumeur, jeter son dévolu sur Facebook, deuxième réseau social numérique sur base du nombre d'utilisateurs actifs. En octobre 2007, Microsoft avait d'ailleurs déjà pris une participation dans Facebook à hauteur d'un quart de milliard de dollars. Mais comment le géant du logiciel, à qui l'on doit des produits aussi peu festifs que Windows, ou la suite logicielle Office, en est-il arrivé à considérer sérieusement le rachat de ce qui ressemble à un innocent gadget d'étudiant, une déclinaison Internet du rituel "Yearbook" cher aux étudiants américains ? Comment ces produits de loisirs purs, proposant gratuitement à leurs utilisateurs des services parfaitement inutiles tels que l'envoi d'un baiser virtuel à un "ami" ou la participation à un concours de "vampires" (?), peuvent-ils atteindre de telles valorisations boursières ? Tout simplement parce qu'ils sont les stars du Web 2.0, ce terme désormais consacré par lequel on caractérise les sites où les utilisateurs peuvent interagir à la fois avec les contenus qui y sont déposés et entre eux. Le dernier numéro de Regards Economiques s'efforce de démonter la mécanique économique qui se cache derrière l'apparente gratuité qui est généralement concédée aux usagers. Car, si la gratuité d'usage se transforme en une valorisation financière significative, c'est forcément que cette gratuité a une contrepartie payante. Le déploiement du Web 2.0 démarre là où l'industrie culturelle traditionnelle marque le pas. La numérisation des produits de contenus tels que musique, son, vidéo et information écrite met en effet à mal le modèle d'affaire dans lequel les Majors vendaient CD, DVD et autres supports dont le contrôle est aujourd’hui rendu plus difficile par leur caractère immatériel. Les sites commerciaux du Web 2.0 tirent parti de cette évolution en exploitant la possibilité de diffuser une très large gamme de contenus, directement "uploadés" par les utilisateurs. Ils se positionnent en plate-forme d'échanges où les contenus sont partagés entre utilisateurs. Les exemples les plus frappants étant à coup sûr YouTube ou MySpace. La présence de contenus très nombreux et très diversifiés constituent un puissant attrait pour les utilisateurs potentiels, qui s'affilient en nombre et apportent à leur tour de nouveaux contenus. Cette spirale vertueuse génère une audience colossale qui constitue le premier pilier du modèle d'affaire du Web 2.0. Le second pilier est le fait que ces contenus très diversifiés auxquels je peux accéder, ces utilisateurs très hétérogènes avec lesquels je peux interagir ne sont vraiment intéressants que s'ils sont proposés en fonction des mes propres goûts, de mes centres d'intérêt. Il faut donc organiser, trier, l'information brute. Ce à quoi s'emploient les plates-formes web, Google et ses moteurs de recherche en tête. Chaque utilisateur a donc un intérêt direct à révéler ses caractéristiques propres pour réaliser des interactions fructueuses. Ce faisant, il "offre" à la plate-forme la possibilité de construire une gigantesque base de données d'utilisateurs. Il reste alors à la plate-forme à vendre l'accès à cette audience à des annonceurs publicitaires pour lesquels la capacité à toucher un large public, finement ciblé sur des goûts, des centres d'intérêt est particulièrement attrayante. La gratuité promise aux utilisateurs vise donc à assurer une forte participation et une révélation d'information maximale. Ce qui revient à assurer pour la base de données la plus grande valeur ajoutée possible, tant par la taille que par le ciblage des utilisateurs, et donc à s'assurer une disponibilité à payer maximale de la part des annonceurs. Google excelle évidemment dans ce domaine. Ce modèle d'affaire où le brassage de contenus organisé par des plates-formes web est instrumentalisé pour attirer des ressources publicitaires pose de nombreuses questions à l'autorité publique. D'une part parce que nombre de ces contenus, protégés par le droit d'auteur, circulent de manière illicite. Comment permettre le développement du Web 2.0 tout en assurant la rémunération légitime des titulaires de droit ? D'autre part, parce que les mécanismes qui président au développement de ces plates-formes génèrent une tendance naturelle à la concentration. Les récentes offres de rachat émanant de Microsoft, Google et autres le confirment. Comment garantir un degré suffisant de concurrence dans cette industrie ? Faut-il contenir l'expansion tentaculaire de Google dont l'ubiquité a de quoi inquiéter ? Autant de questions ouvertes.
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Wauthy, Xavier. "Numéro 59 - mai 2008." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco2008.05.01.

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"Yahoo refuse l'offre de rachat de Microsoft !" L'encre des gros titres commentant cette décision est à peine sèche que le géant de Redmond pourrait, selon la rumeur, jeter son dévolu sur Facebook, deuxième réseau social numérique sur base du nombre d'utilisateurs actifs. En octobre 2007, Microsoft avait d'ailleurs déjà pris une participation dans Facebook à hauteur d'un quart de milliard de dollars. Mais comment le géant du logiciel, à qui l'on doit des produits aussi peu festifs que Windows, ou la suite logicielle Office, en est-il arrivé à considérer sérieusement le rachat de ce qui ressemble à un innocent gadget d'étudiant, une déclinaison Internet du rituel "Yearbook" cher aux étudiants américains ? Comment ces produits de loisirs purs, proposant gratuitement à leurs utilisateurs des services parfaitement inutiles tels que l'envoi d'un baiser virtuel à un "ami" ou la participation à un concours de "vampires" (?), peuvent-ils atteindre de telles valorisations boursières ? Tout simplement parce qu'ils sont les stars du Web 2.0, ce terme désormais consacré par lequel on caractérise les sites où les utilisateurs peuvent interagir à la fois avec les contenus qui y sont déposés et entre eux. Le dernier numéro de Regards Economiques s'efforce de démonter la mécanique économique qui se cache derrière l'apparente gratuité qui est généralement concédée aux usagers. Car, si la gratuité d'usage se transforme en une valorisation financière significative, c'est forcément que cette gratuité a une contrepartie payante. Le déploiement du Web 2.0 démarre là où l'industrie culturelle traditionnelle marque le pas. La numérisation des produits de contenus tels que musique, son, vidéo et information écrite met en effet à mal le modèle d'affaire dans lequel les Majors vendaient CD, DVD et autres supports dont le contrôle est aujourd’hui rendu plus difficile par leur caractère immatériel. Les sites commerciaux du Web 2.0 tirent parti de cette évolution en exploitant la possibilité de diffuser une très large gamme de contenus, directement "uploadés" par les utilisateurs. Ils se positionnent en plate-forme d'échanges où les contenus sont partagés entre utilisateurs. Les exemples les plus frappants étant à coup sûr YouTube ou MySpace. La présence de contenus très nombreux et très diversifiés constituent un puissant attrait pour les utilisateurs potentiels, qui s'affilient en nombre et apportent à leur tour de nouveaux contenus. Cette spirale vertueuse génère une audience colossale qui constitue le premier pilier du modèle d'affaire du Web 2.0. Le second pilier est le fait que ces contenus très diversifiés auxquels je peux accéder, ces utilisateurs très hétérogènes avec lesquels je peux interagir ne sont vraiment intéressants que s'ils sont proposés en fonction des mes propres goûts, de mes centres d'intérêt. Il faut donc organiser, trier, l'information brute. Ce à quoi s'emploient les plates-formes web, Google et ses moteurs de recherche en tête. Chaque utilisateur a donc un intérêt direct à révéler ses caractéristiques propres pour réaliser des interactions fructueuses. Ce faisant, il "offre" à la plate-forme la possibilité de construire une gigantesque base de données d'utilisateurs. Il reste alors à la plate-forme à vendre l'accès à cette audience à des annonceurs publicitaires pour lesquels la capacité à toucher un large public, finement ciblé sur des goûts, des centres d'intérêt est particulièrement attrayante. La gratuité promise aux utilisateurs vise donc à assurer une forte participation et une révélation d'information maximale. Ce qui revient à assurer pour la base de données la plus grande valeur ajoutée possible, tant par la taille que par le ciblage des utilisateurs, et donc à s'assurer une disponibilité à payer maximale de la part des annonceurs. Google excelle évidemment dans ce domaine. Ce modèle d'affaire où le brassage de contenus organisé par des plates-formes web est instrumentalisé pour attirer des ressources publicitaires pose de nombreuses questions à l'autorité publique. D'une part parce que nombre de ces contenus, protégés par le droit d'auteur, circulent de manière illicite. Comment permettre le développement du Web 2.0 tout en assurant la rémunération légitime des titulaires de droit ? D'autre part, parce que les mécanismes qui président au développement de ces plates-formes génèrent une tendance naturelle à la concentration. Les récentes offres de rachat émanant de Microsoft, Google et autres le confirment. Comment garantir un degré suffisant de concurrence dans cette industrie ? Faut-il contenir l'expansion tentaculaire de Google dont l'ubiquité a de quoi inquiéter ? Autant de questions ouvertes.
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Levy, Joseph. "érotisme." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.094.

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Анотація:
En anthropologie, les concepts de sexe (renvoyant aux dimensions biologiques), de sexualité (renvoyant aux conduites entourant la relation sexuelle et à la reproduction) et de genre (renvoyant aux constructions socioculturelles associées à la masculinité et à la féminité) dominent comme référents, alors que celui d’érotisme est peu employé. Pourtant, dès les débuts de l’anthropologie moderne, Malinowski (1930) avait souligné, dans son étude sur la sexualité des Trobriandais, l’intérêt de la notion d’érotisme, qu’il reprend pour définir certains aspects de la culture locale associés à la sensualité, aux sentiments et au plaisir. Ce concept d’érotisme se retrouve en filigrane dans l’un des premiers ouvrages collectifs en anthropologie sexuelle en le situant dans une perspective comparative (Marshalls et Suggs 1971). La définition reste cependant trop axée sur les dimensions biologiques et comportementales et ne tient pas compte des constructions historiques, culturelles et des variations dans les significations qui sont associées à ces conduites et leur expérience. Reiss (1986) souligne l’intérêt de l’étude des scénarios culturels, qui incluent la prise en compte et la signification des comportements, privilégiant, une approche proposée par Simon et Gagnon (1984), et du contexte qui oriente l’expression érotique. Sa notion de réponse érotique ne se situe cependant pas dans une perspective constructiviste, tout comme d’autres dimensions postulées comme universelles, que ce soit l’autorévélation de soi (self-disclosure) ou les états de conscience altérés qui accompagneraient l’activité érotique, mais dont les caractéristiques et les variations ne sont pas explicitées. Dans le cadre des études sur la sexualité brésilienne, la notion d’érotisme est reprise et définie comme « un système culturellement constitué à part entière [...], un système de formes symboliques intersubjectives qui acquiert une signification subjective seulement à travers des médiations sociales et culturelles successives », associé à une « esthétique ou [...] une économie des plaisirs corporels ». En insistant sur les « plaisirs corporels » et les « significations érotiques », une perspective constructiviste et interprétative est ainsi établie (Parker 1989, p.58 et 60). La notion d’érotisme n’est pas reprise au moment où « l’anthropologie redécouvre la sexualité » (Vance 1991), suite à la critique des modèles théoriques essentialistes et culturalistes, et aux répercussions de l’épidémie du VIH/sida sur la discipline anthropologique. La dimension construite de la sexualité et des expériences affectives qui dépendent des contextes culturels est néanmoins affirmée (Tuzin 1991; Leavitt 1991), avec une remise en question de l’adéquation trop étroite entre les scénarios culturellement définis et les comportements sexuels, comme le suggère la pratique des saignées péniennes répétées des Ilahita Arapesh de Nouvelle-Guinée et la place de l’expérience de plaisir dans la construction du processus érotique. L’approche constructiviste dans l’étude de l’érotisme est aussi affirmée par Elliston (1995) dans sa critique des travaux sur les rituels homoérotiques en Nouvelle-Guinée, en particulier ceux de Herdt (1981,1982, 1984) sur les Sambia. Notant que la notion de pratiques sexuelles n’a pas fait l’objet d’une théorisation approfondie et que l’articulation assumée entre l’homosexualité ritualisée et la dimension érotique semble constituer une projection des conceptions occidentales sur des conduites dont la signification serait tout autre, elle propose des modalités de mise en place d’une anthropologie de l’érotisme qui se baserait plutôt sur la prise en compte des catégories émiques. Des travaux sur les contextes coloniaux et postcoloniaux s’interrogent aussi sur la construction du désir et du plaisir (Manderson et Jolly 1997) et Mankekar (2004) propose la notion d’« erotics » pour référer aux « désirs sexuels et aux plaisirs construits à l’intersection du psychique et du structurel [et] contester l’hypothèse que l’érotique pourrait être “purement” instinctif ou primordial ou se situer en dehors du domaine du socius » (p. 404). Elle établit aussi un lien entre le désir érotique et le désir de consommation des objets qu’elle définit comme « l’affect de consommation » (commodity affect) qui inclut tout un registre d’émotions (désir, plaisir, aspirations, etc.) liées à l’attraction esthétique que les objets provoquent, élargissant ainsi le champ de l’érotisme à des sphères non sexuelles. Cette extension au champ sociopolitique se retrouve dans le contexte cubain avec la notion proposée par Allen (2012) de « pratiques du désir » (practices of desire) qui « forment l’une des parties d’un processus complexe constitué par des expériences incorporées, qui incluent le genre, la race et la couleur, et la nationalité » (p. 326), à la fois sur le plan des itinéraires personnels des individus, de leurs expériences du désir et de leurs relations intersubjectives, pour montrer comment des « actions infrapolitiques individuelles » de résistance peuvent avoir des répercussions sur le plan macropolitique. L’élargissement du champ de l’érotisme, articulé aux dimensions émotives et corporelles, est proposé par Azam (2013). Selon elle, la notion de sexualité, en étant associée aux actes sexuels ou renvoyant à l’identité de genre, ne peut suffire à rendre compte de la complexité de ce champ et elle en propose la définition suivante : « Aux fins de cette recherche, j’identifie les composantes de l’érotisme, ou l’amour érotique, comme renvoyant au désir (incluant l’inclinaison et l’attraction), l’expression de ce désir ou attirance, soit par des moyens verbaux ou gestuels), et le plaisir (ce qui signifie toute satisfaction du désir, que ce soit par le regard, l’approche, la conversation, le toucher, etc.) » (p.56). Cette approche élargie est reprise par Newmahr (2014) qui propose le concept d’érotisme asexuel (asexual eroticism), mais cette extension risque, néanmoins, de réduire son potentiel heuristique. Soulignant que les dimensions théoriques dans l’étude de l’érotisme sont plutôt rares, elle constate que cette analyse reste arrimée à l’amour romantique ou à la sphère génitale, mais ignore la pléthore des expressions asexuelles et les formes d’excitation présentes dans différents contextes et types de relations. Les analyses empiriques ne tiennent pas compte de l’expérience érotique, ses significations et son statut dans le quotidien des individus et elle suggère d’étudier l’érotisme sur le plan phénoménologique comme une « expérience émotionnelle, en explorer la structure sous-jacente, les conditions et le contexte de l’érotisme comme émotion […] L’érotisme n’est pas le mieux compris comme un état d’excitation spécifiquement sexuelle ou génitale, mais comme un état émotionnel corporel plus large de “charge” » (p.211). Pour rendre compte de l’articulation entre le plaisir et les valeurs de modernité chez les jeunes de la classe moyenne du Kenya, Spronck propose la notion de « bon sexe » (good sex), qui inclut les dimensions de la « connaissance somato-sensorielle » (body-sensorial knowledge) pour étudier les « qualités sensuelles de la sexualité comme médiateurs et modeleurs de la connaissance sociale » (p. 3). Les pratiques érotiques renvoyant aux dimensions de « sentiments sexuels et de désir sexuel » (p.19) permettent de saisir comme l’expérience, les significations sociales et les sensations corporelles s’articulent entre elles et sont interprétées par les acteurs. Le concept de séduction pourrait aussi être associé au champ de l’érotisme. Forme particulière de communication, elle se fonderait sur des rituels à la fois verbaux et non verbaux faisant appel à de nombreux éléments culturels qui alimentent le paraître, conditionnent son esthétique et définissent les codes de conduite (Boëtsch et Guilhem 2005). Les rituels mis en œuvre relèveraient « à la fois de l’auto-séduction, de la théâtralisation et de la mimésis» (p.185), rejoignant par certains aspects la notion de charme qui se construit, comme le montre l’exemple des Peuls Djeneri du Mali, en faisant appel à des catégories corporelles, à des référents esthétiques, à des normes d’expression corporelle et à des représentations sociales des processus physiologiques, mettant ainsi en évidence l’imbrication étroite du biologique et du social (Guilhem 2008). Dans l’ensemble de ces réflexions théoriques, l’apport de Bataille (1957) à la conceptualisation de l’érotisme en anthropologie reste peu évident, alors qu’il propose un triple modèle de l’inscription érotique dans les représentations et l’expérience : le corps, le cœur et le sacré. Dans l’érotisme des corps, dominerait, lors de la rencontre, la violence sans laquelle « l’activité érotique atteint plus difficilement la plénitude » (p. 25). Dans ce modèle, c’est la révélation de soi et les états de conscience modifiés liés à la dissolution des limites et au trouble qui leurs sont associés qui dominent. Dans l’érotisme des cœurs, on retrouve la passion amoureuse, rattachée à la souffrance de ne pouvoir réussir totalement la fusion avec l’être aimé et cette précarité affective « appelle la mort, le désir de meurtre ou de suicide » (p. 28), liant ainsi étroitement Éros et Thanatos, alors que l’érotisme sacré renverrait à une expérience de type mystique. Le rapport à la violence, à la mort et à la finitude se prolonge, chez Bataille, par les liens qu’il établit entre l’érotisme, l’interdit, la transgression et l’excès. Ces thèmes rejoignent les réflexions philosophiques et anthropologiques sur la place du dionysiaque comme mode d’expression érotique, associée à l’orgiasme, à l’excès et au désordre (Maffesoli 1982), qui interviendraient lors de la transgression des interdits, comme le suggèrent les rituels d’« effervescence collective », Durkheim (2008 [1912]). La conjonction entre le danger et le plaisir érotique n’est pas non plus très problématisée, alors qu’elle semble se manifester dans des conduites extrêmes, des formes de sadomasochisme ou dans la prise de risques liés à la transmission du VIH/sida (Lévy 1996). Ce survol de la notion d’érotisme suggère, en définitive, une nouvelle orientation des recherches anthropologiques qui, après avoir déconstruit la notion de sexe pour la distinguer de celles de sexualité et de genre, s’interrogent à présent sur les différentes dimensions de l’érotisme et ses arrimages aux constructions socioculturelles, aux champs du politique et de l’économie, à la fois sur les plans macrosociologique et microsociologique. L’attention portée sur la subjectivité, les sensations, les sentiments et les affects, mais aussi le désir et le plaisir (Arnfred 2014), n’est cependant pas sans poser des problèmes théoriques importants. En effet, cet accent oriente l’anthropologie vers des aspects psychologiques et idiosyncrasiques, une orientation qui nécessite de préciser l’articulation entre culture, individualité et érotisme.
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Canals, Roger. "Culte à María Lionza." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.005.

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Анотація:
Le terme « culte à María Lionza » renvoie à un ensemble de pratiques rituelles consacrées à la déesse María Lionza et à d’autres esprits de son panthéon. Il est présent sur une grande partie du territoire vénézuélien, notamment dans la région de Yaracuy, au centre ouest du pays, sur la côte caribéenne et dans les grandes villes comme Caracas. La Montagne de Sorte, dans la région de Yaracuy, est le principal centre de pèlerinage des croyants. Bien qu’il soit originaire du Venezuela, le culte à María Lionza est également visible, avec quelques variantes, dans plusieurs autres pays de la région caribéenne et de l’Amérique du Sud, voire aux États-Unis et en Europe. L’origine de ce culte remonte à la conquête espagnole du Venezuela. Au fil des ans, les pratiques sacrées indiennes, les religions africaines apportées par les esclaves noirs ainsi que le catholicisme auraient fusionné donnant lieu à des manifestations religieuses nouvelles (Mintz et Price 1992 ; Andrews 2004). Dès la fin du XIXe siècle se seraient ajoutées à ces trois sources principales d’autres influences culturelles comme le spiritisme kardeciste et l’occultisme, entre autres (Pollack-Eltz 1972 ; Clarac de Briceño 1996 ; Barreto 1990). Cependant, et à la différence de cultes afro-américains comme la Santería Cubaine, le Candomblé ou le Voudou haïtien, le culte à María Lionza n’est pas, dès son origine, connecté aux communautés d’esclaves africains. Jusqu’au XXe siècle, ce culte contenait essentiellement des éléments d’origine catholique et indienne, notamment des images religieuses de saints ou des pratiques d’adoration d’éléments naturels comme des cascades ou des fleuves. A cette période-là, le culte était majoritairement répandu parmi la population métisse et rurale, et l’apport africain n’était que peu présent –la possession spirituelle ou l’usage de percussions, par exemple, étaient rares lors des cérémonies. Dans les années quarante, le culte devint urbain du fait de la migration massive de la population rurale vers les grandes villes suite au boom pétrolier (Coronil 1997). C’est dans ce nouveau contexte, et essentiellement sous l’influence de la santería cubaine, que le culte commence à subir un processus d’afroaméricanisation avec plus de recours aux possessions spirituelles, aux percussions et à une multiplication des entités surnaturelles. Aujourd’hui, le culte à María Lionza entretient de multiples connexions avec d’autres cultes afro-américains comme le Palo Mayombe, l’Umbanda et le spiritisme dominicain. L’incessant partage d’éléments entre ces pratiques oblige à les considérer toutes en termes de continuité et à adopter à leur égard une perspective d’analyse comparatiste. Enfin, quant aux liens du culte avec d’autres religions, force est de constater que l’immense majorité des Maríalionzeros (les pratiquants du culte) s’affirme catholique, paradoxalement à l’opposition historique de l’Église catholique à la pratique de ce culte. Les églises évangélistes, dont le nombre au Venezuela ne cesse de s’accroître, critiquent elles aussi le culte avec véhémence, l’accusant souvent d’être une œuvre du diable. Le culte à María Lionza englobe des rituels de guérison, divination, purification et initiation, dans lesquels les épisodes de possession sont fréquents. La transe est plus ou moins violente selon l’esprit qui « descend » et la façon de « travailler » de chaque médium ou materia (matière). Parfois la possession pousse le médium jusqu’à la blessure ou l’automutilation (Ferrándiz 2004). Cela dit, nombre de croyants rendent hommage aux divinités de manière très calme et discrète, sans inclure des épisodes de transe. A part María Lionza, ce culte compte des centaines d’esprits, nommés aussi entidades (entités) ou hermanos (frères). Ceux-ci correspondent aussi bien à des divinités n’ayant jamais eu une existence terrestre qu’à des personnages célèbres ou aux âmes de défunts. Ces esprits sont regroupés en différentes cortes (cours) ou ensembles de divinités présentant une affinité ethnique, sociale ou professionnelle. On retrouve ainsi la Corte Africana (Cour Africaine), la Corte Malandra (Cour des Délinquants) ou la Corte Militar (Cour Militaire), parmi bien d’autres. Les cortes, quant à elles, sont ordonnées suivant une logique pyramidale : celles ayant moins de pureté sont placées en bas du panthéon tandis que les plus pures ou dites « avec le plus de lumière » sont placées en haut, aux côtés de María Lionza et du Christ. S’ils réalisent de bonnes actions, les esprits en position basse peuvent gravir l’échelle du panthéon. Ce vaste panthéon spirituel peut être interprété comme un dispositif de réappropriation voire de subversion de l’histoire. Il est par exemple fréquent que les esprits d’anciens chefs indiens ayant lutté contre les Espagnols pendant la Conquête (les célèbres caciques) descendent dans le corps des médiums et racontent, en témoins directs, les faits survenus il y a 500 ans, donnant leur avis sur la situation politique actuelle et offrant des conseils à l’assistance. Le culte relie ainsi passé, présent et futur, vie et mort, mémoire collective et expérience individuelle. Le culte à María Lionza ne constitue une pratique ni unifiée ni cohérente. Chaque groupe de culte, nommé centro (centre), organise les rituels à sa manière et donne sa propre version de l’origine de la déesse. Les rivalités entre les centros sont fréquentes et parfois violentes. Non seulement pluriel, le culte à María Lionza est aussi dynamique et changeant. En effet, les pratiquants le transforment incessamment en y incorporant de nouvelles divinités (tel que l’ex-président Chávez) et de nouvelles techniques rituelles à travers notamment les technologies de communication. María Lionza, quant à elle, est une déesse imaginée et représentée de façons très différentes, voire apparemment contradictoires : on peut la voir indienne, blanche, métisse ou, plus rarement, noire, selon les mythes, légendes ainsi que les études à caractère historique retraçant son origine. Cela dit, deux versions iconographiques et littéraires de María Lionza sont particulièrement répandues : d’une part, celle où elle apparaît comme une femme indienne nue chevauchant un tapir et, d’autre part, celle où elle est représentée comme une femme métisse ou blanche, habillée comme une femme du XVIIe ou XVIIIe siècle, portant une couronne sur la tête et tenant une rose sur la poitrine (Canals 2010). María Lionza apparaît souvent accompagnée de Felipe le Noir (El Negro Felipe) et de l’Indien Guacaipuro (El Indio Gucaipuro). L’ensemble de ces trois figures, nommées les Trois Puissances (las Tres Potencias), a, pour les croyants, un double sens : d’un côté, il est l’expression divine du métissage de la population vénézuélienne à travers les représentants de ce que les Vénézuéliens appellent « les trois races » (las tres razas, c’est-à-dire indien, blanc et noir) qui ont constitué le réseau ethnique du pays, et, d’un autre côté, il représente le paradigme d’entente et de réconciliation historique entre ces trois sources culturelles. Bref, les Trois Puissances sont, en même temps et pour les croyants, le reflet de ce qu’est le Venezuela et l’exemple de ce qu’il devrait être. Les images religieuses ont une grande importance dans le culte (Canals 2011) et donnent lieu à une industrie ésotérique qui a acquis une échelle planétaire. Lors des cérémonies, les croyants se réunissent autour de l’autel, nommé aussi portal (portail) où se trouvent surtout des statuettes de divinités. Hormis ces icônes, le culte serait inconcevable sans un grand nombre d’objets ou produits à forte composante sensitive et symbolique. Parmi ceux-là, il faut distinguer les substances « naturelles » (tabac, rhum, miel) de celles composées dans les perfumerías ou boutiques ésotériques. Dans ces boutiques s’amoncellent des savons, flacons de parfum, crèmes, encens et nombre d’autres éléments fabriqués à des fins très précises liés à la vie quotidienne et arborant des noms suggestifs: Amarra Hombres (lotion de séduction « attrape-hommes » adressée aux femmes) ou Tumba Negocios (produit pour faire échouer les affaires de ses concurrents commerciaux). Cette industrie ésotérique joue un rôle économique important au Venezuela et ailleurs. En fait, le culte à María Lionza est, pour nombre de croyants, un moyen de survie. Les rituels de guérison, divination ou initiation sont souvent payants, sans arriver pour autant aux prix exorbitants pratiqués dans d’autres religions comme la Santería. Par ailleurs, le culte à María Lionza est très présent sur le net, aussi bien sur des sites ésotériques que sur des réseaux sociaux. Cette présence sur Internet joue un rôle décisif dans l’expansion et la réinvention du culte. Récemment, certains groupes de culte ont initié des démarches pour intégrer le culte au Patrimoine Immatériel de l’UNESCO. Cette volonté de reconnaissance institutionnelle constitue un changement par rapport à la dynamique historique du culte qui a maintenu vis-à-vis du pouvoir et de l’officialisme une position majoritairement d’opposition, bien que nombre de représentants politiques et de militaires aient été, depuis les années 1950, pratiquants du culte en secret (Taussig 1997)
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Bromberger, Christian. "Méditerranée." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.106.

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Alors que l’américanisme, l’africanisme, l’européanisme, l’indianisme… sont reconnus, certifiés par des musées ou des sections de musée, des départements universitaires, des chapitres de manuels depuis les origines, l’anthropologie de la Méditerranée est une spécialité récente, prenant corps, sous l’égide des universités britanniques, dans les années 1950. Ce retard est dû, au moins en partie, à l’hétérogénéité du monde méditerranéen partagé entre les façades méridionale et orientale de la mer, qui relèvent, à première vue, de l’étude du monde arabo-musulman, et la façade septentrionale ressortissant de prime abord de l’ethnologie européenne. Le scepticisme, récusant la pertinence d’une anthropologie de la Méditerranée, peut encore trouver des arguments dans l’histoire des civilisations ou dans l’actualité. Contrairement à d’autres régions du monde, l’aire iranienne voisine par exemple, le monde méditerranéen ne forme une unité ni par ses langues ni par ses traditions religieuses. Faut-il rappeler que seul l’Empire romain l’a unifié pendant plusieurs siècles autour du « mare nostrum » en favorisant l’épanouissement d’une culture gréco-latine à vocation universelle et en développant tout autour de la mer des institutions politiques sur le modèle de Rome ? Puis l’histoire de la Méditerranée fut faite de partages, de schismes, de croisades, de guerres entre empires, de conquêtes coloniales qui aboutirent, au terme de péripéties violentes, à la situation contemporaine où coexistent trois ensembles eux-mêmes fractionnés : une Méditerranée latine, catholique, largement laïcisée , partie intégrante de l’Europe occidentale, une Méditerranée balkanique orthodoxe avec ses poches islamiques, une Méditerranée arabo-musulmane. En dépit de ces fractures, des hommes de lettres campèrent, dans les années 1930, une Méditerranée des échanges et de la convivenza, à laquelle donnent crédit des lieux et des épisodes remarquables de l’histoire (l’Andalousie au temps du califat omeyade, la Sicile de Frédéric II, des villes cosmopolites de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle : Istanbul, Smyrne, Salonique, Beyrouth, Alexandrie, Alger, Tanger, Trieste, Marseille, etc.). Des revues (à Marseille, les Cahiers du sud de Jean Ballard, à Tunis Les Cahiers de la Barbarie d’Armand Guibert et Jean Amrouche , à Alger Rivages d’Edmond Charlot et Albert Camus, à Rabat Aguedal d’Henri Bosco) exaltèrent cette « fraternité méditerranéenne » tout autant imaginaire que réelle. Gabriel Audisio fut le chantre le plus exalté de cette commune « patrie méditerranéenne »: « Non, écrit-il, la Méditerranée n’a jamais séparé ses riverains. Même les grandes divisions de la Foi, et ce conflit spirituel de l’Orient et de l’Occident, la mer ne les a pas exaltés, au contraire adoucis en les réunissant au sommet sensible d’un flot de sagesse, au point suprême de l’équilibre ». Et à l’image d’une Méditerranée romaine (il veut « remettre Rome ‘à sa place’ ») il oppose celle d’une « synthèse méditerranéenne » : « À cette latinité racornie, j’oppose tout ce qui a fait la civilisation méditerranéenne : la Grèce, l’Égypte, Judas, Carthage, le Christ, l’Islam ». Cette Méditerranée qui « vous mélange tout ça sans aucune espèce de pudeur », dit-il encore, « se veut universelle ». Avant qu’un projet collectif d’anthropologie n’émerge, des ancêtres de la discipline, des géographes, des historiens, avaient apporté une contribution importante à la connaissance du monde méditerranéen. Maine, Robertson Smith, Frazer, etc. étaient classicistes ou historiens du droit et se référaient souvent aux sociétés antiques de la Méditerranée pour analyser coutumes et croyances ou encore les différentes formes d’organisation sociale (la tribu, la cité, etc.) et leur évolution. Plus tard, dans les premières décennies du XXème siècle, de remarquables études monographiques ou thématiques furent réalisées sur les différentes rives de la Méditerranée , telles celles de Maunier (1927) sur les échanges rituels en Afrique du nord, de Montagne (1930) sur les Berbères du sud Marocain, de Boucheman (1937) sur une petite cité caravanière de Syrie…Géographes et historiens, plus préoccupés par l’ancrage matériel des sociétés que par leur structure ou leurs valeurs, publièrent aussi des travaux importants, synthétiques ceux-ci, sur le monde méditerranéen ; ainsi Charles Parain, dans La Méditerranée, les hommes et les travaux (1936), campe une Méditerranée des infrastructures, celle qui prévaudra jusques et y compris dans les 320 premières pages de la thèse de Fernand Braudel (1949), celle des « ressources naturelles, des champs et des villages, de la variété des régimes de propriété, de la vie maritime, de la vie pastorale et de la vie agricole, des métiers et des techniques ». L’acte fondateur de l’anthropologie de la Méditerranée fut un colloque organisé en 1959 par Julian Pitt-Rivers, Jean Peristiany et Julio Caro Baroja, qui réunit, entre autres, Ernest Gellner, qui avait mené des travaux sur le Haut-Atlas, Pierre Bourdieu, alors spécialiste de la Kabylie, John K. Campbell, auteur de recherches sur les Saracatsans du nord de la Grèce. Cette rencontre, et celle qui suivit, en 1961, à Athènes donnèrent lieu à la publication de deux recueils fondamentaux (Pitt-Rivers, 1963, Peristiany, 1965), campant les principaux registres thématiques d’une anthropologie comparée des sociétés méditerranéennes (l’honneur, la honte, le clientélisme, le familialisme, la parenté spirituelle, etc.) et véritables coups d’envoi à des recherches monographiques s’inscrivant désormais dans des cadres conceptuels fortement charpentés. Les décennies 1960, 1970 et 1980 furent celles d’une croissance rapide et d’un épanouissement de l’anthropologie de la Méditerranée. Le monde méditerranéen est alors saisi à travers des valeurs communes : outre l’honneur et la honte, attachés au sang et au nom (Pitt-Rivers, 1977, Gilmore, 1987), la virilité qui combine puissance sexuelle, capacité à défendre les siens et une parole politique ferme qui ne transige pas et ne supporte pas les petits arrangements, l’hospitalité ostentatoire. C’est aussi un univers où domine une vision endogamique du monde, où l’on prise le mariage dans un degré rapproché, mieux la « république des cousins », où se marient préférentiellement le fils et la fille de deux frères, une formule surtout ancrée sur la rive sud et dans l’Antiquité pré-chrétienne, ; Jocaste ne dit-elle pas à Polynice : « Un conjoint pris au-dehors porte malheur » ? Ce à quoi Ibn Khaldoun fait écho : « La noblesse, l’honneur ne peuvent résulter que de l’absence de mélange », écrivait-il. Aux « républiques des beaux-frères », caractéristiques des sociétés primitives exogames étudiées par Claude Lévi-Strauss s’opposent ainsi les « républiques méditerranéennes des cousins », prohibant l'échange et ancrées dans l'endogamie patrilinéaire. Alors que dans les premières, « une solidarité usuelle unit le garçon avec les frères et les cousins de sa femme et avec les maris de ses sœurs », dans les secondes « les hommes (...) considèrent leurs devoirs de solidarité avec tous leurs parents en ligne paternelle comme plus importants que leurs autres obligations, - y compris, bien souvent, leurs obligations civiques et patriotiques ». Règne ainsi, dans le monde méditerranéen traditionnel, la prédilection pour le « vivre entre soi » auquel s’ajoute une ségrégation marquée entre les sexes, « un certain idéal de brutalité virile, dont le complément est une dramatisation de la vertu féminine », poursuit Germaine Tillion (1966). La Méditerranée, c’est aussi un monde de structures clientélaires, avec ses patrons et ses obligés, dans de vieilles sociétés étatiques où des relais s’imposent, à tous les sens du terme, entre le peuple et les pouvoirs; parallèlement, dans l’univers sacré, les intermédiaires, les saints, ne manquent pas entre les fidèles et la divinité ; ils sont nombreux, y compris en islam où leur culte est controversé. La violence avec ses pratiques vindicatoires (vendetta corse, disamistade sarde, gjak albanais, rekba kabyle…) fait aussi partie du hit-parade anthropologique des caractéristiques méditerranéennes et les auteurs analysent les moyens mis en œuvre pour sortir de ces conflits (Black-Michaud, 1975). Enfin, comment ne pas évoquer une communauté de comportements religieux, en particulier les lamentations funèbres, les dévotions dolorisantes autour des martyrs ? L’« inflation apologétique du martyre » est ainsi un trait commun au christianisme et à l’islam chiite pratiqué au Liban. La commémoration des martyrs fondateurs, dans le christianisme comme en islam chiite, donne lieu à des rituels d’affliction de part et d’autre de la Méditerranée. C’est en terre chrétienne la semaine sainte, avec ses spectaculaires processions de pénitents en Andalousie, ou, en Calabre, ces cérémonies où les hommes se flagellent les mollets et les cuisses jusqu’au sang. Au Liban les fidèles pratiquent, lors des processions et des prônes qui évoquent les tragiques événements fondateurs, des rituels dolorisants : ils se flagellent avec des chaînes, se frappent la poitrine avec les paumes des mains, voire se lacèrent le cuir chevelu avec un sabre. Dans le monde chrétien comme en islam chiite, des pièces de théâtre (mystères du Moyen Âge, ta’zie) ont été composées pour représenter le martyre du sauveur. Rituels chiites et chrétiens présentent donc un air de famille (Bromberger, 1979). Cette sensibilité au martyre dans les traditions religieuses méditerranéennes est à l’arrière-plan des manifestations laïques qui célèbrent les héros locaux ou nationaux tombés pour la juste cause. C’est le cas en Algérie. Toutes ces remarques peuvent paraître bien réductrices et caricaturales, éloignées des formes de la vie moderne et de la mondialisation qui l’enserre. Ne s’agit-il pas d’une Méditerranée perdue ? Les auteurs cependant nuancent leurs analyses et les insèrent dans le contexte spécifique où elles prennent sens. Dans leur généralité, elles offrent, malgré tout, une base de départ, un cadre comparatif et évolutif. Après une période faste, couronnée par un ouvrage de synthèse récapitulant les acquis (Davis, 1977), vint le temps des remises en cause. Plusieurs anthropologues (dont Michael Herzfeld, 1980, Josep Llobera,1986, Joao de Pina-Cabral,1989…) critiquèrent de façon radicale l'érection de la Méditerranée en « regional category » en fustigeant le caractère artificiel de l'objet, créé, selon eux, pour objectiver la distance nécessaire à l'exercice légitime de la discipline et qui s'abriterait derrière quelques thèmes fédérateurs fortement stéréotypés. À ces critiques virulentes venues des centres européens ou américains de l’anthropologie, se sont jointes celles d'ethnologues originaires des régions méditerranéennes, pour qui la référence à la Méditerranée est imaginaire et suspecte, et dont les travaux sont ignorés ou regardés de haut par les chercheurs formés à l’école britannique. Ce sentiment négatif a été d’autant plus accusé sur les rives méridionale et orientale de la Méditerranée que la mer qui, à différentes périodes, reliait est devenue un fossé aussi bien sur le plan économique que politique. Diverses initiatives et prises de position scientifiques ont donné un nouvel élan, dans les années 1990-2000, à l’anthropologie de la Méditerranée. Colloques et ouvrages (par exemple Albera, Blok, Bromberger, 2001) rendent compte de cette nouvelle conjoncture. On se garde désormais plus qu’avant de considérer le monde méditerranéen comme une aire culturelle qui présenterait, à travers le temps et l’espace, des caractéristiques communes stables. Au plus parlera-t-on d’un « air de famille » entre les sociétés riveraines de la mer en raison de contextes écologiques similaires, d’une histoire partagée, de la reconnaissance d’un seul et même Dieu. Cette perspective mesurée rejoint le point de vue de Horden et Purcell (2000), auteurs d’un ouvrage important tirant un bilan critique de l’histoire du monde méditerranéen. Pour eux, qui combinent points de vue interactionniste et écologique, la Méditerranée se définit par la mise en relation par la mer de territoires extrêmement fragmentés, par une « connectivity » facilitée par les Empires. Le titre énigmatique de leur livre, The Corruptive Sea, « La Mer corruptrice », prend dès lors tout son sens. Parce qu’elle met en relation, cette mer serait une menace pour le bon ordre social et pour la paix dans les familles. Cette proximité entre sociétés différentes qui se connaissent fait que le monde méditerranéen s’offre comme un terrain idéal au comparatisme « à bonne distance ». C’est sous le sceau de ce comparatisme raisonné que s’inscrivent désormais les travaux les plus convaincants, qu’ils se réclament explicitement ou non de l’anthropologie de la Méditerranée (voir sur la nourriture Fabre-Vassas, 1994, sur la parenté Bonte éd., 1994 , sur la sainteté Kerrou éd., 1998 et les traditions religieuses, sur les migrations et les réseaux Cesari, éd., 2002, sur le cosmopolitisme Driessen, 2005) Tantôt les recherches soulignent les proximités (Albera, 2005, 2009, Dakhlia, 2008, Dakhlia et Kaiser, 2011), tantôt elles les relativisent (Fernandez Morera, 2016, Bromberger, 2018), tantôt elles insistent sur les aspects conflictuels (Chaslin, 1997). Une autre voie est de considérer le monde méditerranéen, non pas comme un ensemble fait de similarités et de proximités mais comme un espace fait de différences qui forment système. Et ce sont ces différences complémentaires, s’inscrivant dans un champ réciproque, qui permettent de parler d’un système méditerranéen. Chacun se définit, ici peut-être plus qu’ailleurs, dans un jeu de miroirs (de coutumes, de comportements, d’affiliations) avec son voisin. Les comportements alimentaires, les normes régissant l’apparence vestimentaire et pileuse, le statut des images… opposent ainsi des populations revendiquant un même Dieu (Bromberger, 2018).
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Bouvier, Pierre. "Socioanthropologie." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.026.

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Анотація:
Le contexte actuel tel que le dessinent les tendances lourdes de ce troisième millénaire convie à interpeller les outils des science sociales forgés précédemment. La compréhension de l’univers et donc du genre humain s’est appuyée, en Occident, au siècle des Lumières, sur une volonté d’appréhender les phénomènes sociaux non plus dans des lectures théologiques, métaphysiques mais au nom d’une démarche se voulant scientifique. Les explorations à l’extérieur du domaine européen transmises par divers types de voyageurs restaient lacunaires. Pour les appréhender de manière plus rationnelle des disciplines ont émergé telle que l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie allant du plus petit agrégat vers des lectures plus généralistes. Les sociétés de là-bas commencent, alors, à se frayer un domaine dans le champ des connaissances. C’est ainsi que peuvent être appréhendés les symboliques, les cosmogonies et les rituels de populations aussi diverses que celle des forêts amazoniennes, de la savane soudanaise ou des régions polaires et ce au delà d’a priori dévalorisants. Se révèlent, par l’ethnographie, l’ethnologie et l’anthropologie, leurs pratiques et leurs usages et les constructions idéelles qu’elles soient celles des Baruya, des Dogon ou des Inuit. L’autonomie prise par ces études et ces recherches contribuent à lutter plus qu’efficacement contre les idées préconçues antérieurement, celles empreintes de xénophobie sinon de racisme. Pour sa part la sociologie s’attache au développement et à la modernisation des sociétés occidentales déclinées suivant divers critères dont la mécanisation des productions de biens, l’urbanisation, les mobilités. Ces valeurs, la sociologie en est l’un des analyseurs comme elle le sera pour la période que Fourastié dénomma les « Trente glorieuses », décennies marquées par le plein emploi, l’élévation des niveaux de vie, le consumérisme du moins dans les sociétés occidentales et que traitent les sociologies de l’action, des organisations, des négociations, des régulations, des critiques de la bureaucratisation mais également des conflits entre catégories et classes sociales (Fourastié 1979). Ceci s’inscrit peu ou prou dans le cadre d’institutions et de valeurs marquées au sceau des Etat-nations. En ce troisième millénaire le cours des évènements modifie ces conditions antérieures. Les temporalités, les pratiques et les représentations changent. La mondialisation suscite des échanges croissants entre des entités et des ensembles populationnels hier fortement distincts. Les migrations non plus seulement idéelles mais physiques de cohortes humaines déstructurent les façons d’être et de faire. De ce fait il apparaît nécessaire de tenir compte de ces mutations en décloisonnant les divisions disciplinaires antérieures. Les processus d’agrégation mettent en place des interactions redéfinissant les valeurs des uns et des autres, hier ignorées voire rejetées par des mondes de la tradition ethnique, religieuse ou politique (Abélès et Jeudy 1997). La mise en réseau interpelle ces ensembles populationnels dorénavant modifiés par l’adjonction de valeurs antérieures étrangères à leurs spécificités. L’anthropologie, l’ethnologie s’avèrent nécessaires pour appréhender ces populations de l’altérité aujourd’hui insérées plus ou moins effectivement au cœur des sociétés post-industrielles (Sahlins 1976). De plus ces populations de là-bas sont elles-mêmes facteurs actifs de réappropriation et de création de nouvelles formes. Elles interpellent les configurations usuelles et reconnues par la sociologie. On ne peut plus leur assigner des valeurs antérieures ni les analyser avec les méthodologies et les paradigmes qui convenaient aux réalités précédentes, celles d’un grande séparation entre les unes et les autres (Descola 2005). Déjà les procédures habituelles privilégiant les notions de classe sociale, celles de mobilité transgénérationnelle, d’intégration, de partage des richesses étaient interpellées. Des individus de plus en plus nombreux ne se retrouvent pas dans ces dynamiques d’autant que ces dernières perdent de leur force. Le sous-emploi, le chômage, la pauvreté et l’exclusion dressent des scènes et des acteurs comme figures oubliées des siècles passés. Bidonvilles entourant les centres de prospérité, abris de fortune initiés par diverses associations constituent autant de figures ne répondant pas aux critères antérieurs. Une décomposition plus ou moins radicale des tissus institutionnels fait émerger de nouvelles entités. Les notions sociologique ne peuvent s’en tenir aux interprétations qui prévalaient sous les auspices du progrès. La fragilisation du lien social implique des pertes de repère (Bouvier, 2005). Face à l’exclusion économique, sociale et symbolique et aux carences des pouvoirs publics des individus essaient de trouver des parades. Quelques-uns mettent en place des pratiques signifiantes leur permettant, dans cet univers du manque, de redonner du sens au monde et à leur propre existence. Ainsi, par exemple, d’artistes, qui non sans difficulté, se regroupent et faute de lieux, investissent des locaux vides : usines, bureaux, immeubles, autant de structures à l’abandon et ce dû aux effets de la crise économique, des délocalisations ou des fermetures de bureau ou d’entreprises. Ces « construits pratico-heuristiques » s’appuient sur des techniques qui leur sont propres : peinture, sculpture, installation, vidéo, etc., facteurs donnant du sens individuel et collectif. Ils en définissent les règles eux-mêmes. Ils en gèrent collectivement l’installation, le fonctionnement et les perspectives en agissant en dehors des institutions. De plus ces configurations cumulent des éléments désormais indissociables compte tenu de la présence croissante, au cœur même des sociétés occidentales, de populations allogènes. Ces dernières n’ont pas laissé derrière elles leurs valeurs et leurs cultures. Elles les maintiennent dans ces périphéries urbaines et dans les arcanes des réseaux sociaux. En comprendre les vecteurs et les effets de leurs interactions avec les valeurs proprement occidentales nécessitent l’élaboration et l’ajustement d’un regard à double focale. Celui-ci permet de discerner ce qui continue de relever de ces mondes extérieurs de ce qui, comme suite à des contacts, fait émerger de nouveaux facteurs d’appréhension et de compréhension du monde. Les thèses sociologiques du progrès, du développement mais également de l’anomie et des marges doivent se confronter et s’affiner de ces rencontres avec ces valeurs désignées hier comme relevant de la tradition, du religieux : rites, mythes et symboliques (Rivière 2001). L’attention socioanthropologique s’attache de ce fait non seulement à cette dualisation mais également à ce qui au sein des sociétés du « premier monde » relève des initiatives des populations majoritaires autochtones et, à l’extérieur de leurs sphères, de leur frottement avec des minorités allogènes. Elle analyse les densités sociétales, celles en particulier des institutions qu’elles se sont données. Elle les conjugue avec les us et les données existentielles dont sont porteurs les effets tant des nouvelles populations que des technologies médiatiques et les mutations qu’elles entraînent dans les domaines du lien social, du travail, des loisirs. De leurs frictions émergent ces « construits de pratiques heuristiques » élaborés par des individualités sceptiques tant face aux idéologies politiques que face à des convictions religieuses ébranlées par les effets des crises économiques mais également par la perte de pertinence des grands récits fondateurs. Ces construits allouent du sens à des rencontres impensables du moins dans le cadre historique antérieur, là où les interventions de l’Etat, du personnel politique, des responsables cléricaux savaient apporter des éléments de réponse et de résolution aux difficultés. De ces « construits de pratiques heuristiques » peuvent émerger et se mettre en place des « ensembles populationnels cohérents » (Bouvier 2000). Ces derniers donnent du sens à un nombre plus élevé de constituants, sans pour autant que ceux-ci s’engagent dans une pratique de prosélytisme. C’est par écho que ces regroupements se constituent. Cet élargissement n’est pas sans être susceptible, à court ou moyen terme, de s’institutionnaliser. Des règles et des principes tendent à encadrer des expressions qui, hier, dans le construit, ne répondaient que de la libre volonté des membres initiateurs. Leur principe de coalescence, empreint d’incertitude quant à toute perspective pérenne, décline de l’existentiel et du sociétal : étude et compréhension des impositions sociales et expressions des ressentis individuels et collectifs. Ces dimensions sont peu conjuguées en sociologie et en anthropologie, chacune de ces disciplines malgré les discours récurrents sur l’interdisciplinarité, veillant à préserver ce qu’elles considèrent comme étant leur spécialisation ou du moins leur domaine (Bouvier 1999). La socioanthropologie est alors plus à même de croiser tant les données et les pesanteurs sociétales, celles portées par diverses institutions, tout en révélant les attentes anthropologiques, symboliques, rituelles et non rationnellement explicites que ces construits et ensembles populationnels produisent. La position du chercheur adhérent, bénévole, militant et réflexif en immersion partielle, en observation impliquée, impliquante et distancée comporte l’enjeu de pouvoir réussir à préserver son autonomie dans l’hétéronomie des discours et des pratiques. Une « autoscopie » est nécessaire pour indiquer les distances entre l’observateur et l’observé et plus encore pour donner un éclairage sur les motivations intimes de l’observateur. La socioanthropologie s’inscrit, de fait, comme advenue d’une relecture à nouveaux frais. Elle conjugue et suscite des modalités s’attachant aux émergences de ces nouveaux construits faisant sens pour leurs protagonistes et aptes à redonner de la signification aux données du contemporain (Bouvier 1995, 2011)
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Vibert, Stephane. "Individualisme." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.083.

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Le concept d’individualisme ne se présente pas comme une notion traditionnelle en anthropologie, ainsi que le montre son absence de la plupart des dictionnaires de la discipline. Popularisée dans l’œuvre de Louis Dumont (1966) par son opposition au holisme caractéristique des sociétés « traditionnelles » (dont l’Inde des castes constitue l’exemple paradigmatique), la notion s’avère souvent mal comprise, puisqu’elle semble suggérer une dichotomie binaire là où il est avant tout question de contraste comparatif et d’accentuation entre des variantes socioculturelles de l’humanité. Parfois accusée de reconduire les grands dualismes ethnocentriques propres à la socio-anthropologie classique (tradition/ modernité, communauté/ société, solidarité mécanique/ solidarité organique) qui ne verraient hors de l’Occident que des univers de conformisme, de tribalisme ou de despotisme (Lozerand 2014), l’étude de l’individualisme se présente pourtant, avant tout, comme « une archéologie de la conception occidentale de l’individu » (Flahault dans Lozerand 2014 : 547). En effet, selon Dumont, la conception moderne du monde se caractérise par une « idéologie individualiste », c’est-à-dire un ensemble de représentations et d’idées-valeurs qui s’articule autour de la figure prééminente de l’individu commeprincipe, à distinguer radicalement du « sujet empirique », échantillon indivisible de l’espèce humaine, parlant, pensant et agissant, tel qu’on le rencontre danstoutesles sociétés sous diverses formes. Figure centrale de l’idéal politique et éthique de l’Occident depuis les Lumières, l’individu (considéré comme antérieur à son existence sociale par les doctrines du droit naturel moderne) n’en reste pas moins pour la discipline anthropologique une « institution » (Mauss 1967 : 150), au sens où il doit nécessairement s’ancrer dans un monde social et culturel qui lui donne signification et consistance. En définissant la modernité comme individualiste là où « l’individu est érigé envaleursuprême », Dumont n’utilise pas le terme dans un sens péjoratif (égoïsme) ou laudatif (autonomie) mais, dans le sillage de Tocqueville, comme l’affirmationsocialed’une valeur. Ce sont les sociétés qui sont individualistes, et non d’abord les individus eux-mêmes. Dans sa prétention à fonder la société à partir d’une juxtaposition d’individus rationnels et originellement déliés, la configuration individualiste propre à la modernité néglige, ou tout du moins subordonne, le trait consubstantiel à toute existence sociale, trait défini comme « holisme » ou « aperception sociologique » : la « présence du social dans l’esprit de chaque homme », qui emporte comme corollaire que « la perception de nous-même comme individu n’est pas innée mais apprise, […]elle nous est prescrite, imposée par la société où nous vivons », laquelle « nous fait une obligation d’être libres » (Dumont 1966 : 21). Ainsi la prééminence de l’individu dans la société moderne appelle-t-elle un certain de nombre de valeurs corrélatives (dont l’égalité de droit, mais aussi la liberté morale ou encore la nation comme « société des individus »), tout en se combinant au sein de chaque culture particulière avec des éléments holistes locaux, ce qui donne une appréciation différenciée de la modernité (sous la figure notamment de variantes nationales). Ainsi que le rappelle Dumont, « l’individualisme est incapable de remplacer complètement le holisme et de régner sur toute la société... de plus, il n’a jamais été capable de fonctionner sans que le holisme contribue à sa vie de façon inaperçue et en quelque sorte clandestine » (Dumont 1991 : 21). C’est que la valeur individualiste, si elle est bien devenue essentielle dans nos sociétés par l’élévation des droits de l’Homme au statut de principe universel, ne peut effectivement s’incarner qu’au sein d’une société particulière, qui en traduit politiquement les attendus de façon toujours contingente et déterminée. L’analyse ne suppose donc pas unretourà des principes holistes, comme s’ils avaient disparu en même temps que les communautés traditionnelles et cohésives, mais plutôt une conscience plus lucide du rôle que jouent les principes holistes dans toute vie humaine pour autant qu’elle est toujours vie en société. L’idéologie de l’individu indépendant se heurte implicitement d’une part à la conservation nécessaire de « totalités partielles » comme lieux verticaux de transmission de la langue, de la culture et du sens (famille, école, associations, communautés), et d’autre part à la réintroduction de principes dits « collectifs » contre « l’utopie libérale », à doses variables selon les pays, comme l’État-providence, l’appartenance nationale, les systèmes d’assurance sociale, les diverses régulations du marché, les principes de solidarité et de redistribution, etc. Il convient également de ne pas confondre l’individualisme compris comme représentation sociale avec deux processus distincts portant sur la confection concrète de la personne et son potentiel de singularité, à savoir l’individuation et l’individualisation. Au XXesiècle, l’anthropologie s’est surtout intéressée auxformes d’individuationpropres aux diverses sociétés, ces pratiques de « constitution de la personne » par inclusion dans un ordre symbolique qui suppose des représentations partagées et des dispositifs rituels. Elle a pu ainsi constater l’extrême hétérogénéité des systèmes de pensée et d’agir visant à conférer une « identité » à l’être humain, preuve d’une large palette culturelle quant aux manières d’appréhender les relations de soi à soi, aux autres et au monde. Marcel Mauss a ainsi montré comment l’être humain ne pouvait apparaître qu’à la suite de multiples processus de subjectivation, ainsi que l’expriment les diverses « techniques du corps », l’expression des émotions ou l’intériorisation de l’idée de mort (Mauss 1950). Car toutes ces caractéristiquesa prioriéminemment « personnelles » varient en fait largement selon les contextes sociaux et culturels où elles prennent signification. La tradition anthropologique a énormément insisté sur la naturerelationnellede l’individuation, ouvrant sur la perception d’un Soi tissé de rapports avec l’environnement social et mythique (Leenhardt, 1947), jusque dans ses composantes mêmes, qu’elles soient matérielles (os, sang, chair, sperme, etc.) ou non (esprit ancestral, souffle, ombre, etc.) (Héritier 1977), parfois même au-delà des « humains » strictement définis (Descola 2005). De même, bon nombre d’auteurs ont souligné l’existence de divers processus historiques et culturels d’individualisationnon réductibles à la prééminence de l’individualisme comme valeur englobante. Le Bart (dans Lozerand 2014 : 89), après Foucault (1984) et Vernant (1989) distingue trois formes d’individualisation qui ne se recoupent jamais parfaitement : l’autonomie sociopolitique, l’existence d’une « vie privée » et le rapport réflexif à soi constituent autant de critères marquant un dépassement de la logique « holiste » d’individuation (définissant un nom, une place, un rôle, un statut) vers une « quête de soi » différenciée, invoquant comme idéal de vie une singularité, un salut ou un « épanouissement » posés théoriquement comme échappant aux injonctions normatives et symboliques de la société. S’articulant plus ou moins à l’individualisme comme valeur, cette visée d’authenticité désormais généralisée dans les sociétés occidentales en illustre également les limites, dès lors qu’en sont précisées les difficultés et les défaillances dans l’existence concrète des acteurs sociaux (déshumanisation du travail, conformisme consommatoire, maladies exprimant la « fatigue d’être soi » comme la dépression, influence des médias de masse et des réseaux sociaux, sentimentalisme et moralisme excessifs, solitude et vide affectif, etc.). Depuis une trentaine d’années et la mise en évidence d’une globalisation aux contours multiples se pose enfin la question de l’extension descriptive et normative de l’individualisme aux diverses cultures et civilisations du monde, que cela soit par le biais de catégories politiques (le citoyen rationnel), économiques (le marchand, le salarié et le consommateur propres au monde capitaliste), juridiques (le sujet de droit), morales (l’agent responsable) ou esthétiques (le dessein d’expressivité originale), etc. Si, selon Dumont, le christianisme et sa valorisation d’un « individu en relation directe avec Dieu » jouent un rôle primordial dans l’émergence de l’individualisme, ce sont bien les catégories humanistes et séculières qui, depuis la colonisation, légitiment les dynamiques d’extension actuelles, notamment du fait de la promotion par les instances internationales des droits humains comme fondement universel de justice sociale. L’anthropologie elle-même, dans un contexte de mise en relation généralisée des sociétés, s’évertue à saisir la place que des cultures différentes accordent à la valeur de « l’individu » (Morris 1994 ; Carrithers, Collins et Lukes 1985), que ce soit dans les grandes religions ou philosophies historiques (islam, judaïsme, bouddhisme, hindouisme, confucianisme, etc.) ou dans les communautés contemporaines, irréversiblement marquées par l’hégémonie occidentale et l’extension d’une économie mondialisée, mais également par des mouvements fondamentalistes ou « revivalistes » de repli identitaire. La valorisation du métissage et de l’hybridité impliquerait en ce sens de réinsérer « l’individu » dans les « paysages » culturels multiples et enchevêtrés qui établissent le lien entre global et local, entre contraintes systémiques et réappropriation communautaire (Appadurai 1996). Dans la dynamique contemporaine de globalisation, l’extension de l’individualisme comme valeur se retrouve dans une position paradoxale, d’une part liée à l’hégémonie d’un système-monde capitaliste et donc accusée de favoriser une « occidentalisation » fatale pour la diversité culturelle, d’autre part identifiée comme porteuse d’émancipation à l’égard de structures et normes contraignantes pour des acteurs (femmes, minorités ethniques, religieuses ou sexuelles, personnes handicapées) privés des droits élémentaires aux plans politique, juridique et socioéconomique.
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Gagnon, Éric. "Care." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.031.

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Les années 1980 ont vu l'émergence, en philosophie, d’une éthique du care, qui n’a cessé de se développer et de gagner en importance. En rupture avec les conceptions kantiennes et rationalistes de la vie morale, cette éthique féministe met au centre de l’expérience morale la dépendance et le souci de l’autre, plutôt que la liberté et le détachement. Loin d’être des entités séparées, les individus dépendent des autres pour la satisfaction de besoins vitaux, et ce tout au long de leur vie, même s’ils le sont davantage à certains moments (naissance, maladie). Par delà leurs différences, les théoriciennes du care mettent au centre des discussions sur la justice et l’éthique la responsabilité à l’égard des personnes dépendantes et vulnérables, ainsi que le fait de prendre soin des autres (Paperman et Laugier, 2011). Le care désigne l’ensemble des gestes et des paroles essentielles visant le maintien de la vie et de la dignité des personnes, bien au-delà des seuls soins de santé. Il renvoie autant à la disposition des individus – la sollicitude, l’attention à autrui – qu’aux activités de soin – laver, panser, réconforter, etc. –, en prenant en compte à la fois la personne qui aide et celle qui reçoit cette aide, ainsi que le contexte social et économique dans lequel se noue cette relation. L’émergence de ce courant philosophique coïncide avec trois grands phénomènes sociaux et intellectuels. D’abord, l’accès grandissant des femmes au marché du travail, et la remise en cause de la division sexuelle du travail, qui conduisent les historiens et les anthropologues à s’intéresser aux tâches et aux métiers traditionnellement féminins (Loux, 1983), dont le travail domestique de soin ou les professions soignantes (infirmières, auxiliaires de soin). L’essor des recherches et des théories du care est ensuite lié au vieillissement de la population dans les sociétés occidentales, et aux préoccupations grandissantes touchant l’aide et les soins aux personnes âgées et dépendantes, plus nombreuses et vivant plus longtemps (Buch, 2015). Enfin, ces recherches et théories sont nourries par les débats sur l’assistance publique, la capacité de l’État-providence à prendre en charge les personnes vulnérables et à en décharger les familles (France, Canada), la situation de dépendance, négativement perçue, dans laquelle se trouvent ceux qui donnent et ceux qui reçoivent l’assistance (États-Unis). Les travaux sur le care mettent en évidence le fait que la responsabilité du soin aux autres revient davantage à certaines catégories sociales (les femmes, les groupes les plus démunis ou subordonnés comme les immigrants ou les pauvres). Un souci traverse et anime l’éthique du care : revaloriser les activités de soins, dont l’importance est ignorée et les savoirs déniés, du fait de leur association à des groupes d’un bas statut social ; dénoncer du même coup la manière dont les plus riches s’en déchargent sur les plus pauvres et les plus vulnérables, tout en ignorant ou oubliant leur dépendance à leur égard (Kittey et Feder, 2003). L’éthique du care ne peut manquer d’intéresser les anthropologues, qui peuvent y retrouver plusieurs de leurs interrogations et préoccupations. Premièrement, cette éthique remet en question un certain idéal du sujet, dominant en Occident, conçu comme un individu indépendant, délié de toute attache lorsqu’il fait ses choix. Les théories du care mettent en évidence sa profonde et naturelle dépendance aux autres pour la satisfaction de ses besoins primordiaux. Dans ces théories, comme en anthropologie, le sujet est le produit des rapports sociaux, il n’est compréhensible que replacé dans ces rapports généralement asymétriques. L’incomplétude de l’individu est posée dès le départ : se croire indépendant, c’est ne pas voir ses dépendances. S’il est possible de réduire sa dépendance, ce n’est qu’au bout d’un apprentissage, à l’intérieur de certains rapports sociaux et, paradoxalement, avec le soutien des autres. Deuxièmement, dans l’éthique du care, le jugement moral n’exige pas de s’abstraire de sa situation, de se libérer de toute passion et sentiment, mais plutôt, à partir de son expérience, de sa propre histoire et de la relation que l’on entretient avec l’autre, de chercher à comprendre son point de vue et sa situation. On se trouve là très proche de la démarche et de la compréhension ethnographique, fondée sur la relation que l’ethnologue entretient avec ceux qu’il étudie et dont il cherche à saisir le point de vue. Troisièmement, l’éthique du care attire l’attention sur des réalités négligées, oubliées ou dévalorisées ; elle conduit à une réévaluation de ce qui est précieux (Tronto, 1993). Comme l’anthropologie très souvent, elle s’intéresse à ce qui passe inaperçu ou demeure méconnu, mais aussi aux activités quotidiennes, en apparence banales, à ce qui s’exprime moins par des mots que par des gestes, dans les corps et les interactions, dont elle dévoile la richesse, la complexité, la signification et l’importance. Comme l’anthropologie, elle fait entendre des voix différentes, elle permet d’élargir le point de vue, de dépasser une vision dominante ou coutumière des choses. Quatrièmement, les recherches et les théories du care supportent une critique des inégalités et des rapports de domination, jusque dans la sphère privée. Elles s’interrogent sur le pouvoir qui s’exerce au sein de la relation d’aide et du lien affectif. Elles dénoncent les conditions de vie et la situation d’indignité dans laquelle se trouvent certaines personnes dépendantes (handicapées, âgées, seules, démunies), mais également les conditions de travail de celles et ceux qui apportent l’aide et les soins, et l’exploitation dont elles sont l’objet (travailleuses immigrantes, domestiques et femmes de ménage). Elles replacent ces rapports de domination au sein des rapports sociaux de sexe et des relations raciales, mais aussi dans les rapports entre les pays riches et les pays pauvres, comme le font les anthropologues. Enfin, cinquièmement, l’éthique du care conduit à une critique de la naturalisation de certaines dispositions et attitudes attribuées aux femmes : compassion, souci de l’autre, dévouement, oubli de soi. Ces dispositions et attitudes ne sont pas propres aux femmes, mais socialement et culturellement distribuées. Elles ne doivent pas être valorisées en les extrayant du contexte matériel et politique dans lequel elles s’expriment, au risque de renforcer les hiérarchies sociales et les injustices. Pareille critique est également menée par l’anthropologie, en montrant la relativité culturelle des dispositions et attitudes. Si l’anthropologie peut apprendre beaucoup de l’éthique du care, elle peut aussi apporter sa contribution aux débats sur le prendre soin, à partir de sa propre perspective et de ses méthodes : en décrivant et analysant les pratiques, les savoir-faire, l’organisation domestique, les institutions qui fournissent des services ; en prêtant attention aux gestes et aux rituels, aux expérience sensorielles, où la raison et les émotions, le sensible et l’intelligible ne se séparent pas (Buch, 2013); en comparant les pratiques et les situations entre différents pays et différentes époques, différents milieux socioéconomiques et différentes cultures, afin de montrer les constantes et les différences (Kaufman et Morgan, 2005); en sortant du monde occidental et en élargissant la perspective (l’éthique du care demeurant encore très marquée par la culture et les valeurs nord-américaines) ; en inscrivant le care et les pratiques de soins, non seulement dans les rapports sociaux et économiques, mais dans l’ensemble des systèmes symboliques, qui relient les individus entre eux, et qui tissent des correspondances entre les différentes dimensions de leur expérience, entre les âges de la vie, le passé et le présent, les gestes et les croyances, le corps et l’imaginaire (Verdier, 1979). L’anthropologie sera attentive au travail de la culture, au processus par lequel des expériences sont inscrites dans la culture par le biais de symboles, à la poétique des gestes et des paroles, à ce qui cherche à se dire et à s’exprimer, ainsi qu’aux résistances et à la distance que le soignant ou le soigné prend avec le groupe, ses valeurs et ses normes, à sa capacité de faire entendre autre chose, de faire voir d’autres dimensions de l’expérience (Saillant, 2000). Le care et le prendre soin ne forment pas un domaine spécifique de recherche, une anthropologie spécialisée à côté de l’anthropologie de la maladie, l’anthropologie de la famille et l’anthropologie du genre. Ce sont moins des «objets» d’étude, qu’une manière d’examiner des réalités multiples et variées. Faire de l’anthropologie du care et du prendre soin, c’est opérer un déplacement d’attention de la médecine vers les activités domestiques et quotidiennes, des savoirs scientifiques et techniques vers les arts de faire plus discrets, mais nécessitant tout autant un apprentissage, de l’intelligence et de la créativité, et reposant sur des savoirs. C’est également un moyen d’ouvrir l’anthropologie à des débats sociaux contemporains. Mais c’est aussi revenir par un autre chemin à la question anthropologique de l’articulation du biologique et du culturel, la manière dont le corps est culturellement investi, traversé de significations, façonné et transformé par les sociétés, la manière dont les faits naturels de la naissance, de la maladie et de la mort sont transformés en expériences humaines, inscrits dans un monde social spécifique et une conjoncture historique particulière (Saillant et Gagnon, 1999). Faire de l’anthropologie des soins, c’est ainsi reprendre à de nouveaux frais la question générale de l’articulation entre reproduction biologique et reproduction sociale.
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Hébert, Martin. "Paix." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.088.

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Анотація:
Une préoccupation pour la réalisation empirique de la paix traverse le discours disciplinaire anthropologique. Ses racines sont profondes et multiples, mais convergent en un ensemble de questions situées à l’intersection entre la recherche de terrain, la philosophie politique et l’engagement pratique. A-t-il déjà existé des sociétés humaines vivant en paix? Quelles sont les conditions permettant, ou ayant permis, l’existence de cette paix? Est-il possible d’entrevoir un chemin vers la paix pour les sociétés contemporaines? On comprendra rapidement que ces questions sont indissociables de la définition même donnée au concept de paix. Intuitivement, nous pouvons comprendre la paix comme un « souhaitable » individuel et collectif. Bien entendu, une telle formulation est insatisfaisante pour l’analyse ou pour guider l’action. Mais avant de la préciser davantage il faut prendre la mesure de la puissance de la notion de paix en tant que référent vide, en tant que réceptacle dans lequel ont été versées les aspirations les plus diverses. La quête de la « paix » a été invoquée pour justifier tant les actions nobles que les actions exécrables de l’histoire. Ce constat pourrait facilement mener à penser que le terme est peu utile dans le cadre d’une discussion sérieuse portant sur les finalités humaines. Cependant, c’est justement le caractère polysémique du mot « paix », doublé du fort investissement normatif dont il fait l’objet, qui lui donnent sa prégnance politique. Comme n’importe quelle autre notion, celle de paix est l’enjeu de luttes de sens. Mais définir la « paix », c’est définir le domaine du souhaitable, du possible, du raisonnable; c’est intervenir directement sur l’horizon des aspirations humaines. Il n’est donc guère surprenant que les tentatives visant à fixer le sens de ce mot soient abondantes, souvent contradictoires entre elles et généralement convaincues de leur légitimité. L’ethnographie participe de diverses manières au travail de définition de la paix. Par exemple, l’ethnographie a joué – et semble parfois tentée de continuer de jouer – un rôle important dans la reproduction du paradigme édénique. Dans cette conception, la paix est comprise à la fois comme une absence de violence interpersonnelle et une régulation harmonieuse des conflits dans la société. Les représentations idylliques de telles sociétés dites « en paix » (Howell et Willis 1989) témoignent d’une tentation dans certains écrits ethnographiques d’idéaliser des sociétés traditionnelles, précoloniales, ou en résistance. Elles participent d’un travail de critique très ancien qui s’opère par contraste, procédé par lequel l’ « Autre » ethnographique est posé comme l’antithèse d’un monde (moderne, capitaliste, colonial, écocide, patriarcal, etc.) dénoncé comme aliéné et violent. L’anthropologie a souvent été prise à partie pour avoir employé une telle stratégie discursive opposant les « sociétés en paix » aux sociétés mortifères. Il faut noter, cependant, que ces remontrances participent elles aussi à la lutte de sens dont l’enjeu est la définition de la notion de paix. Les apologues du colonialisme, par exemple, utilisaient leur propre stratégie de critique par contraste : les lumineux principes (euro-centriques, libéraux, entrepreneuriaux) supposément aux fondements de la prospérité universelle viendraient supplanter les « ténèbres » locales dans ce que Victor Hugo (1885) a décrit comme la « grande marche tranquille vers l’harmonie, la fraternité et la paix » que serait pour lui l’entreprise coloniale en Afrique. Nous glissons ici dans une autre définition de la « paix » ayant joué un rôle important dans l’histoire de l’anthropologie, soit la pacification. Ici, la paix n’est pas un état observable dans les sociétés ethnographiées, mais plutôt un résultat à produire par une intervention politique, incluant militaire. La naïveté de la « grande marche tranquille » d’une Histoire par laquelle l’humanité cheminerait inéluctablement vers une convergence dans des valeurs euro-centriques communes se dissipe ici. Elle fait place à des positions qui établissent leur autorité énonciative en se présentant comme « réalistes », c’est-à-dire qu’elles rejettent l’image édénique de la paix et se rangent à l’idée que la violence est le fondement du politique. Dans cette perspective, la définition de la paix serait la prérogative de ceux qui peuvent l’imposer. La « paix » se confond alors avec l’ordre, avec la répression des conflits sociaux et, surtout, avec un acte de prestidigitation sémantique par lequel les violences faisant avancer les ambitions hégémoniques cessent d’être vues comme violences. Elles deviennent des opérations, des interventions, des mesures, voire des politiques entreprises au nom de la « paix sociale ». On le sait, l’anthropologie a fait plus que sa part pour faciliter les pacifications coloniales. Par son rôle dans des politiques nationales telles l’indigénisme assimilationniste, elle a également contribué à des « projets de société » visant l’unification de populations hétérogènes sous l’égide du nationalisme, du capitalisme et de la docilité aux institutions dominantes. Après la seconde guerre mondiale, il n’a pas non plus manqué d’anthropologues prêtes et prêts à s’associer aux entreprises de pacification/stabilisation par le développement et par l’intégration de populations marginales à l’économie de marché. Dans la plupart des cas, l’anthropologie a été instrumentalisée pour réduire le recours à la violence physique directe dans les entreprises de pacification, proposant des approches moins onéreuses et plus « culturellement adaptées » pour atteindre les mêmes objectifs d’imposition d’un ordre exogène à des sociétés subalternes. Un point tournant dans la critique de la pacification a été le dévoilement de l’existence du projet Camelot dans la seconde moitié des années 1960 (Horowitz 1967). Cette vaste opération mise sur pied par le gouvernement américain visait à engager des spécialistes des sciences sociales pour trouver des moyens d’influencer les comportements électoraux en Amérique latine. Cette initiative visait à faire passer à l’ère de la technocratie les stratégies « civiles » de pacification coloniales développées en Afrique dans les années 20-30 et en Indochine dans les années 50. Outre la dénonciation par les anthropologues nord-américains et européens de cette collusion entre les sciences sociales et impérialisme qui s’est encore illustrée dans le sud-est asiatique pendant la guerre du Vietnam (Current Anthropology 1968), la réponse critique face au dévoilement du projet Camelot fut, notamment, de déclencher une réflexion profonde en anthropologie sur la frontière entre la paix et la guerre. Même si le recours à la manipulation psychologique, économique, politique, et diplomatique n’impliquait pas nécessairement, en lui-même, de violence physique directe il devenait impératif de théoriser les effets de violence produits par cette stratégie (Les Temps Modernes 1970-1971). Si l’idée que certaines « paix » imposées peuvent être éminemment violentes fut recodifiée et diffusée par des chercheurs du Nord à la fin des années 1960, elle était déjà bien en circulation au Sud. Frantz Fanon (1952) mobilisait le concept d’aliénation pour désigner les effets des violences symboliques, épistémologiques et culturelles des systèmes coloniaux. Gustavo Guttiérez (1971), impliqué dans le développement de la théologie de la libération en Amérique latine, parlait pour sa part de « violence institutionnalisée » dans les systèmes sociaux inéquitables. Sous leur forme la plus pernicieuse ces violences ne dépendaient plus d’une application constante de force physique directe, mais s’appuyaient sur une « naturalisation » de la domination. Dans ce contexte, il devenait clair que la notion de paix demandait une profonde révision et exigeait des outils permettant de faire la distinction entre la pacification aliénante et une paix fondée sur la justice sociale. Travaillant à cette fin, Johan Galtung (1969) proposa de faire la différence entre la paix « négative » et la paix dite « positive ». La première renvoie à l’absence de violence physique directe. Elle est une condition considérée comme nécessaire mais de toute évidence non suffisante à une paix significative. Déjà, des enjeux définitionnels importants peuvent être soulevés ici. Une société en paix doit-elle éliminer les sports violents? Les rituels violents? Les représentations artistiques de la violence? Qu’en est-il de la violence physique directe envers les non-humains? (Hébert 2006) La paix positive est une notion plus large, pouvant être rapprochée de celle de justice sociale. Les anthropologues ont tenté de la définir de manière inductive en proposant des études empiriques de deux types. Dans un premier temps, il s’est agi de définir diverses formes de violences autres que physique et directe (telles les violences structurelles, symboliques, épistémiques, ontologiques, etc.) et poser la paix positive comme le résultat de leur élimination. Par contre, les limites de cette « sombre anthropologie » (Ortner 2016) ont appelé des recherches complémentaires, plutôt centrées sur la capacité humaine à imaginer et instituer de nouvelles formes sociales dépassant les violences perçues dans les formes passées. L’idée d’une paix stable, définitive et hors de l’histoire – en d’autres mots édénique – disparaît ici. Elle est remplacée par des processus instituants, constamment examinés à l’aune de définitions de la violence qui, elles-mêmes, sont en transformation constante. La définition de la paix demeure l’enjeu de luttes de sens. Ces dernières se résolvent nécessairement dans des rapports politiques concrets, situés historiquement et sujets à changement. Les travaux anthropologiques ne font pas exception et sont pleinement engagés dans la production politique de ces définitions. Mais l’anthropologie de la paix participe également de la réflexivité que nous pouvons avoir tant face aux définitions cristallisées dans nos institutions que face à celles qui se proposent des les remplacer.
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