Journal articles on the topic 'Sous-Types cognitifs'

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Maurage, P. "Impact émotionnel et cognitif du binge drinking." European Psychiatry 30, S2 (November 2015): S42—S43. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2015.09.120.

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Abstract:
Le binge drinking (c’est-à-dire la consommation excessive mais épisodique d’alcool, typique du milieu étudiant) constitue désormais un problème majeur de santé publique, en particulier chez les adolescents et jeunes adultes. Les conséquences psychologiques, interpersonnelles et sociétales de ce mode de consommation sont largement établies, mais ses effets cognitifs et cérébraux n’ont été investigués que durant cette dernière décennie. Il a ainsi été clairement montré, sur base d’études en neuropsychologie et en neurosciences, que les binge drinkers présentent des modifications marquées du fonctionnement cérébral. Cependant, ces études se sont centrées sur des tâches cognitives (explorant par exemple la mémoire, l’attention ou les fonctions exécutives) et les déficits émotionnels associés au binge drinking restent totalement inconnus malgré le rôle majeur joué par ces altérations dans le maintien des troubles liés à la consommation excessive d’alcool. Après un passage en revue des données relatives aux troubles cognitifs, nous présenterons ici des études récentes ayant exploré pour la première fois les déficits émotionnels dans le binge drinking ainsi que leurs corrélats cérébraux, sur base d’une approche multidisciplinaire combinant électrophysiologie et neuroimagerie. Les résultats montrent clairement que le binge drinking conduit, au-delà des altérations cognitives, à des déficits marqués pour le traitement de stimulations émotionnelles, déficits qui pourraient être impliqués dans le développement et le maintien des troubles liés à la consommation d’alcool. Enfin, les limites des connaissances actuelles seront décrites, de même que les perspectives majeures pour les recherches futures. En particulier, sur base de résultats obtenus récemment via une analyse en clusters sur une large population de binge drinkers, nous insisterons sur la nécessité de sortir de la vision unitaire du binge drinking afin de considérer les sous-types de binge drinkers, qui présentent de grandes variations aux niveaux psychologique et cognitif.
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2

Lepesqueur, Marcus. "Schémas des interactions sémiotiques dans la construction du sens délirant." Semiotica 2015, no. 205 (June 1, 2015): 207–28. http://dx.doi.org/10.1515/sem-2015-0004.

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Abstract:
RésuméCet article vise à présenter la Sémiotique Cognitive comme un modèle de recherche capable de décrire une partie des processus cognitifs sous-jacents au sens délirant. Plus précisément, il est proposé ici que la reformulation théorique du modèle d’intégration conceptuelle proposée par Brandt et Brandt (2005) peut soutenir la description d’une partie du processus de signification délirante dans la schizophrénie. On a analysé des entrevues et des conversations spontanées d’une patiente souffrant de schizophrénie. Il s’agit d’un cas typique présentant des symptômes très semblables aux définitions traditionnelles et aux types communément trouvés dans la pratique clinique. L’étude de cas présentée ici suggère qu’une forme schématique d’interaction sémiotique compose le noyau des événements délirants de cette patiente. Ce noyau conceptuel est décrit comme une sorte d’interaction iconique entre un antagoniste et le sujet, tel que décrit par Brandt (2007). Ce schéma d’interaction est une forme élémentaire d’interprétation et d’organisation de l’expérience de la patiente. Une partie de la signification délirante peut être comprise à travers les processus d’intégration conceptuelle organisée par ces formes sémiotiques. En somme, ces formes sont comme des schémas de pertinence qui organisent l’interprétation délirante.
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3

Desclés, Jean-Pierre, and Zlatka Guentchéva. "La polysémie verbale appréhendée par une sémantique cognitive et formelle." SHS Web of Conferences 46 (2018): 12005. http://dx.doi.org/10.1051/shsconf/20184612005.

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Abstract:
L’étude de la polysémie verbale (et prépositionnelle) revient à construire un réseau dont la racine est un invariant sémantique et les noeuds des schèmes. Chaque schème représente une signification sous la forme de relations emboîtées de situations construites à l’aide de primitives sémantiques : types primitifs des différentes entités; primitives relationnelles telles que le mouvement, le changement, l’effectuation d’une action, le contrôle et la visée téléonomique. Ces primitives sont liées aux activités cognitives de perception et d’action, plus ou moins intentionnelles. L’article traite plus spécialement des verbes polysémiques franêais, ‘arrêter’, s’arrêter’, ‘garer’ et ‘se garer’.
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4

Auvinet, B., P. Touzard, D. Chaleil, C. Touzard, A. Delafond, C. Foucher, and F. Multon. "Analyse de la marche en double tâche chez des patients en Déficit Cognitif Léger en fonction des sous-types : non amnésique et amnésique. Résultats préliminaires." Annals of Physical and Rehabilitation Medicine 54 (October 2011): e92. http://dx.doi.org/10.1016/j.rehab.2011.07.702.

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5

Al-Kufaishi, Adil. "Translation as a learning and teaching strategy." Babel. Revue internationale de la traduction / International Journal of Translation 50, no. 1 (September 22, 2004): 45–58. http://dx.doi.org/10.1075/babel.50.1.06alk.

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Abstract:
Abstract This paper deals primarily with the potentiality a translation task could bring to the learning/teaching environment. Since translation deals with language in its socio-cultural communicative context, it could serve as an indispensable teaching/learning tool, a medium for developing the learners’ communicative competence and for teaching properties and types of meaning, underlying semantic relationships, communicative language functions, sentential and suprasentential information structure and discourse values. In this paper, it is argued that translation is a. an interlingual, interactive, communicative and cognitive activity b. a macro-skill that subsumes a number of micro-skills c. a meaningful task-based exercise, a problem-solving exercise that helps develop the learners’ data processing capabilities d. a meaningful communicative context for presenting and practising language forms and lexical items e. a means for highlighting interlingual structural differences, and f. a medium for teaching thematic meaning Résumé Cet article traite principalement du potentiel qu’une tache de traduction pourrait présenter pour l’environnement d’apprentissage ou d’enseignement. Étant donné que la traduction traite de la langue dans son contexte communicatif socioculturel, elle pourrait servir d’outil indispensable d’enseignement ou d’apprentissage, un moyen de développer les compétences de communication des apprenants, et d’enseigner les propriétés et types de signification qui sous-tendent les relations sémantiques, les fonctions de communication de la langue, la structure d’information phraseale et subphraseale et les valeurs du discours. Dans cet article, nous soutenons que la traduction est: a. une activité interlinguale, interactive, communicative et cognitive b. une macro-technique qui subsume un certain nombre de micro-techniques c. un exercice significatif basé sur une tache — un exercice de résolution d’un problème qui aide a développer les capacités de traitement des données des apprenants d. un contexte communicatif significatif pour présenter et pratiquer les formes de la langue et les élements lexicaux e. un moyen de souligner les différences structurelles interlinguales f. un moyen d’enseigner la signification thématique.
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Krebs, M. O., O. Gay, G. Martinez, and I. Amado. "Signes neurologiques mineurs et contrôle moteur : ce qu’ils nous apprennent sur la schizophrénie, ses mécanismes et ses frontières." European Psychiatry 29, S3 (November 2014): 580–81. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2014.09.282.

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Abstract:
Les signes neurologiques mineurs (SNM) sont des marqueurs aujourd’hui bien reconnus dans la schizophrénie, présents à un moindre degré chez les apparentés. Leur signification et leur spécificité reste néanmoins incertaines. Des aspects méthodologiques pourraient expliquer certaines de ces incertitudes (échelles variables selon les publications, méthodes de cotation sensible ou non au changement, types de signes pris en comptes etc) [1]. Les corrélats des SNM peuvent apporter des éléments de réponses sur leur origine et leur signification. Nous avons ainsi montré que la SNM sont associés à une moindre performance cognitive, à plus d’erreurs dans les tâches oculomotrices, notamment dans des tâches de saccades adaptatives [2], ainsi à une altération du circuit préfronto cérébelleux [3], suggérant un dysfonctionnement cérébelleux.Par ailleurs, nous avons également montré que les patients ayant des SNM ont une altération de la morphologie corticale, avec une moindre gyrification corticale, témoignant de l’origine développementale des SNM [4].Enfin, nous avons montré récemment que les SNM sont plus marqués chez les sujets présentant un début des troubles précoces, avant l’adolescence (avant 15 ans), comparés à ceux présentant un trouble débutant à l’âge adulte, suggérant à nouveau que les SNM sont les marqueurs d’une forme à charge développementale plus importante.L’association des SNM avec un âge de début précoce et des anomalies structurales touchant en particulier les circuits cérébelleux, suggère que les SNM pourraient permettre d’identifier un sous-type de schizophrénie précoce, et interroge sur un continuum avec les troubles du spectre autistique.
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Morgieve, M., K. N’Diaye, W. I. A. Haynes, B. Granger, A. H. Claire, A. Pelissolo, and L. Mallet. "Dynamique des modifications d’activités cérébrales au cours d’une thérapie cognitive et comportementale dans le trouble obsessionnel compulsif : étude en IRMf avec une tâche personnalisée de provocation de symptômes." European Psychiatry 28, S2 (November 2013): 23–24. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.058.

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Abstract:
ContexteLa thérapie cognitive et comportementale (TCC) est un traitement efficace pour soigner le trouble obsessionnel compulsif (TOC). Elle est connue pour induire des changements dans le métabolisme cérébral, mais la dynamique de ces changements et leur relation avec l’évolution clinique restent encore largement inconnues. Leur caractérisation représente une étape cruciale vers l’identification de biomarqueurs individualisés de réponse au traitement.MethodsNous avons procédé à l’évaluation clinique et à l’examen en IRMf de 35 patients atteints de TOC avant une TCC, à mi-thérapie (1,5 mois), à la fin (3 mois), ainsi que 6 mois après la fin de la thérapie. Pendant les examens en IRMf, nous avons utilisé une tâche originale d’exposition aux symptômes en utilisant trois types d’images : des images neutres, des images génériques induisant des obsessions et des images personnalisées induisant des obsessions. RésultatsLa TCC a entraîné une amélioration significative des symptômes obsessionnels compulsifs. La réponse à mi-thérapie s’est avérée être prédictive de l’amélioration finale (r2 = 0,67, p < 0,001). Initialement, les patients étaient plus sensibles aux images personnalisées qu’aux images génériques et neutres, ce en proportion avec de plus fortes activations dans le cortex cingulaire antérieur, le cortex orbitofrontal et pariétal. Dans le groupe de patients hauts-répondeurs (ΔYBOCS > 45 %), la sensibilité a été réduite à l’issue de la thérapie pour les images génériques et encore plus pour les images personnalisées. L’amélioration clinique a été associée avec une baisse de l’activité dans le cortex cingulaire antérieur et dans le cortex orbitofrontal gauche. ConclusionL’utilisation d’une tâche d’exposition novatrice et hautement sensible en IRMf montre que les symptômes et les marqueurs métaboliques ont des évolutions parallèles au cours de la TCC. Nos résultats, qui suggèrent que les premières séances de TCC sont cruciales, nous incitent à étudier les modifications anatomofonctionnelles qui sous-tendent les premières étapes de la thérapie.
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8

Hahmann, Tara Elisa. "Moderate-Risk and Problem Slot Machine Gamblers: A Typology of Gambling-Related Cognitions." Journal of Gambling Issues, no. 34 (August 1, 2017). http://dx.doi.org/10.4309/jgi.2016.34.8.

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Abstract:
Cognitive distortions are said to play a key role in the development and maintenance of problem gambling, as well as in its treatment. Toneatto’s (1999, 2002) typology of gambling distortions provides a useful conceptualization of gambling-related cognitions, although game-type specification is absent from his analysis. Toneatto’s categorization was used in the present study to organize the beliefs of 43 slot machine gamblers experiencing either moderate-risk or problem gambling, recruited and interviewed in Toronto, Canada. The typology captured many of the gambling-related cognitions, although specific beliefs held by this sample of slot machine gamblers required revision of the original typology. This study provides unique insight into the cognitive structure of these beliefs, as described by gamblers, and their frequency count, suggesting that game type is an important factor when identifying and describing gambling-specific cognitive distortions. Les distorsions cognitives joueraient un rôle dans l’apparition et le maintien des problèmes de jeu, ainsi que dans leur traitement (Cunningham, Hodgins et Toneatto, 2014; Cunningham, Hodgins, Toneatto et Murphy, 2012; Fortune et Goodie, 2012). La typologie des distorsions cognitives liées au jeu de Toneatto (1999, 2002) est à ce titre un outil utile pour conceptualiser les processus cognitifs des joueurs, bien que l’analyse ne précise pas les types de jeux de hasard en cause (Milosevic et Ledgerwood, 2010). Le présent article cherche à organiser à l’aide des catégories de Toneatto (1999, 2002) les croyances de 43 utilisateurs d’appareils à sous présentant un risque moyen ou problématique, recrutés et interviewés à Toronto (Canada). En conclusion, cette typologie permet de rendre compte de nombreux processus cognitifs liés au jeu, bien que certaines des croyances propres à cet échantillon de joueurs utilisant des appareils à sous aient nécessité une révision des catégories initiales. Fournissant un aperçu unique de la structure cognitive associée à ces croyances, telles qu’elles ont été décrites par les joueurs et selon leur nombre d’occurrences, cette étude donne à penser que le type de jeu de hasard en cause constitue un facteur important pour cerner et décrire les distorsions cognitives rattachées au jeu.
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Hahmann, Tara Elisa. "Moderate-Risk and Problem Slot Machine Gamblers: A Typology of Gambling-Related Cognitions." Journal of Gambling Issues, no. 34 (August 1, 2017). http://dx.doi.org/10.4309/jgi.v0i34.3961.

Full text
Abstract:
Cognitive distortions are said to play a key role in the development and maintenance of problem gambling, as well as in its treatment. Toneatto’s (1999, 2002) typology of gambling distortions provides a useful conceptualization of gambling-related cognitions, although game-type specification is absent from his analysis. Toneatto’s categorization was used in the present study to organize the beliefs of 43 slot machine gamblers experiencing either moderate-risk or problem gambling, recruited and interviewed in Toronto, Canada. The typology captured many of the gambling-related cognitions, although specific beliefs held by this sample of slot machine gamblers required revision of the original typology. This study provides unique insight into the cognitive structure of these beliefs, as described by gamblers, and their frequency count, suggesting that game type is an important factor when identifying and describing gambling-specific cognitive distortions. Les distorsions cognitives joueraient un rôle dans l’apparition et le maintien des problèmes de jeu, ainsi que dans leur traitement (Cunningham, Hodgins et Toneatto, 2014; Cunningham, Hodgins, Toneatto et Murphy, 2012; Fortune et Goodie, 2012). La typologie des distorsions cognitives liées au jeu de Toneatto (1999, 2002) est à ce titre un outil utile pour conceptualiser les processus cognitifs des joueurs, bien que l’analyse ne précise pas les types de jeux de hasard en cause (Milosevic et Ledgerwood, 2010). Le présent article cherche à organiser à l’aide des catégories de Toneatto (1999, 2002) les croyances de 43 utilisateurs d’appareils à sous présentant un risque moyen ou problématique, recrutés et interviewés à Toronto (Canada). En conclusion, cette typologie permet de rendre compte de nombreux processus cognitifs liés au jeu, bien que certaines des croyances propres à cet échantillon de joueurs utilisant des appareils à sous aient nécessité une révision des catégories initiales. Fournissant un aperçu unique de la structure cognitive associée à ces croyances, telles qu’elles ont été décrites par les joueurs et selon leur nombre d’occurrences, cette étude donne à penser que le type de jeu de hasard en cause constitue un facteur important pour cerner et décrire les distorsions cognitives rattachées au jeu.
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Rachik, Hassan. "Sainteté (culte des saints)." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.024.

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Abstract:
Le culte des saints réfère à un ensemble de rites et de croyances en rapport avec un dispositif sacré dans lequel le saint et son sanctuaire tiennent une place centrale. La tombe du saint et tout élément en rapport avec sa vie (lieu de retraite, source d’eau, arbre sacré, autel) et son corps (relique, trace de pied) font l’objet de pèlerinages privés et/ou collectifs (Dermenghem 1954 ; Van Gennep 1973 ; Turner 1979 ; Tambiah 1984 ; Rachik 1992 ; Chambert-Loir et Guillot 1995 ; Kerrou 1999). Les rites qui composent le culte des saints sont divers : invocations, allumer une bougie, immoler un animal, nouer un chiffon, acheter une amulette, etc. Ils représentent souvent une demande adressée au saint. Certains saints sont pour ainsi dire généralistes et peuvent être implorés pour différents avantages matériels ou spirituels alors que d’autres sont spécialisés dans des domaines déterminés (guérison de maladies mentales, fécondité, mariage, etc.). Le lien avec un saint peut être occasionnel et éphémère comme il peut être durable et structurel. C’est le cas, par exemple, de pays, de villes et de corporations qui ont leurs saints protecteurs. Parmi les plus célèbres citons Notre-Dame de Guadalupe à Mexico, Saint-Denis à Paris, Sidi Abou Madian à Tlemcen et les « sept saints » à Marrakech. Le culte des saints est expliqué en termes cognitifs en ce sens qu’une catégorie de croyants trouvent l’idée de Dieu si abstraite qu’ils éprouvent le besoin d’un sacré au ras du sol, d’un sacré qui se manifeste dans des objets familiers et concrets. Doutté écrit à cet égard que le culte des saints est « la revanche du cœur et de la fantaisie sur l’abstraction du monothéisme » (Doutté 1900 :11). D’autres chercheurs proposent des explications en termes sociologiques en soulignant les fonctions assurées par le saint ou ses représentants vivants. Par exemple, l’arbitrage des conflits et la sécurité des routes pour les voyageurs et les caravanes (Brown 1983; Gellner 1969). Le mot "culte" tend à être associé à tout mouvement ou conception accusés de déviation du dogme orthodoxe. Le mot arabe « ziara » reste neutre en ce sens qu’il ne réfère pas à l’idée d’adoration mais à celle de visite. Toutefois, dans la majorité des cas, le culte des saints est associé à un type de religiosité qui fait appel au corps du croyant, à la médiation personnelle, à l’émotionnel et à la prolifération du rituel. Il est rejeté par les adeptes d’une religiosité basée sur un lien spirituel et directe avec Dieu. Réformateurs et savants fondamentalistes ont rejeté le culte des saints en raison de l’absence de tout fondement scriptural et de sa contradiction avec le principe de l’unicité de Dieu. Cette tension entre deux types de religiosité recoupe, chez plusieurs auteurs (Gellner 1969 ; Weber 1995), une division de la société en deux catégories : illettrés/peuple/vulgaires/paysans vs. savants/lettrés/élite/citadins. Elle est fréquente dans l’histoire du christianisme, de l’islam et du judaïsme. Mais elle est plus visible actuellement dans certains pays musulmans où, durant ces dernières années, des mausolées de saints ont été détruits par des fondamentalistes radicaux. Certains chercheurs ont prédit la fin du culte des saints et de la vision du monde qui le sous-tend au profit d’une vision plus puritaine et plus rationnelle. Ce genre de prédiction si général et si décontextualisée ne peut être ni affirmée, ni infirmée. Nous pouvons simplement dire, à partir des monographies publiées sur le sujet, que les organisateurs du culte des saints semblent se maintenir en s’appuyant sur un discours qui se veut aussi orthodoxe. La vénération de saints est présentée comme étant conforme au dogme religieux et ne contredisant pas l’idée de l’unicité de Dieu.
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Biache, Marie-Joseph, and Géraldine Rix-lièvre. "Sport (pratiques sportives)." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.027.

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Abstract:
Le sport, envisagé sous l’angle des pratiques sportives, s’inscrit dans un ensemble plus vaste de comportements : celui des pratiques corporelles. Ces dernières peuvent constituer l’objet de travaux anthropologiques (Bromberger, Hayot, Mariottini 1995; Darbon 2002; Garnotel 2009 ; Sizorn 2007). Le sport, en tant que phénomène social complexe, se prête à l’analyse sociologique, car il semble attaché, à la fois comme résultante et comme cause d’autres phénomènes, au faisceau de déterminismes sociaux, économiques et institutionnels. Il est avant tout une institution, autant dans son mode de constitution -il n’y a de sport à proprement parler qu’inscrit dans et produit par des instances sportives internationales, nationales et locales- que dans son expression. Le sport renvoie à un système autonome, structuré, réglementé. La sociologie souligne l’importance de la création et du développement institutionnel du sport comme phénomène social, et des différents sports comme expressions propres de ce phénomène, à la fois sociologiquement définies et socialement distinctes (Darbon 2008). La perspective d’analyse institutionnelle du sport -développement et dynamique des structures institutionnelles et politiques- trouve son complément dans des recherches sociologiques plus centrées sur des aspects spécifiques du phénomène global. Les processus de distinction de communautés ou de groupes de pratiques focalisent le regard de certains pans de la recherche : la question centrale du genre y prend toute sa place (Menesson, Clément, 2009). L’intérêt porté aux trajectoires sociales et professionnelles des sportifs est une autre manière d’aborder le phénomène « sport » (Sobry 2010). Ce dernier n’est cependant pas envisageable sans le regard public qui s’y porte, car le sport est aussi un spectacle. La description des publics comme l’étude du supportérisme font partie intégrante de l’analyse du phénomène ainsi que l’examen de ses modalités de construction médiatique et économique : la vision devient sociétale (Ohl 2010). Cependant, les pratiques sportives, manifestations premières du phénomène, sont aussi l’objet d’investigations relevant de l’histoire sociale de leur évolution. L’histoire institutionnelle trouve une inspiration et un complément dans la description des rapports entre changement des pratiques sportives et évolution de la sphère technologique. Le sport est envisagé comme analyseur des mentalités, mais aussi comme hypostase des avancées de la connaissance du corps. L’évolution des préparations à la compétition, le recours à des moyens artificiels de maximisation des performances physiques sont la traduction des changements dans le rapport au corps, à la fois sociaux et culturels et instrumentaux. Mais les pratiques sportives peuvent également être l’objet d’une histoire des techniques, non seulement celle des artéfacts, mais aussi celle des formes de mouvement, marquées par des types sociaux et des structures opératoires (Vigarello 1988). Le retour vers une centration sur les pratiques proprement dites introduit à une perspective plus anthropologique que sociologique -sans que toutefois la frontière soit délimitée avec évidence. Une ethnologie des groupes et communautés de pratiquants peut dans ce cas être entreprise, l’accent étant porté sur la description et l’analyse des comportements qui font unité, cohérence et signification, autant pour les pratiquants que pour les spectateurs, les chercheurs étant alors en mesure de circonscrire des cultures sportives (Darbon 2002; Fournier, Raveneau 2010). Parallèlement, les pratiques sportives détiennent un sens pour leurs acteurs et traduisent simultanément le versant idiosyncrasique de la communauté ou du groupe. Elles sont un support d’identité et d’appartenance, mais aussi l’expression de connaissances particulières et d’une forme de morale incarnée. Elles appartiennent au domaine plus vaste des techniques du corps et une étude historique peut en être produite comme peut en être constituée une ethnologie, laquelle accorde aux usages du corps une place principale. Garnotel (2009) montre par exemple que devenir un cycliste professionnel suppose de construire progressivement les techniques corporelles du métier liées tant à l'entraînement qu'au soin du corps ou l’absorption de produits « dopants » et s’inscrit dans une morale incarnée liée à l’optimisation de la performance, même si celle-ci s’oppose à l’éthique absolue du sport. Les pratiques sportives, à l’instar de toutes les pratiques corporelles, supposent un apprentissage technique et une conformation du corps acquise par le sujet. Elles sont simultanément actes et connaissances, ces dernières présentes sur deux registres. Le premier est celui des théories locales ou indigènes de l’action des sujets, largement saturées de concepts pragmatiques (Rolland et Cizeron 2011) ; le second est celui des connaissances implicites et tacites modulées par des normes d’action et des valeurs d’actes. Sizorn (2007) dévoile par exemple, que l'expérience des trapézistes est marquée par la légèreté et l'aisance tout autant que par la douleur et la peur, registres qui construisent la corporéité et l'identité des pratiquants. Ainsi envisagées, les pratiques sportives redeviennent celles d’un groupe ou d’une communauté, caractérisées par une dialectique entre technique singulière et connaissances collectives, ces dernières relevant essentiellement de représentations et de convictions. Elles n’échappent pas aux modalités de sexuation présentes dans les groupes humains lesquelles participent à l’attribution, implicite ou explicite, de normes et de valeurs aux actions. La relation en quelque sorte organique entre comportements et connaissances permet d’inscrire les pratiques sportives, comme techniques du corps, dans le régime de la tèchné grecque : le savoir-faire est en rapport étroit avec un savoir portant sur le sens du monde. Ces pratiques appartiennent à une expérience constituée, à la fois collective et individuelle. Une telle optique cognitive peut trouver un complément dans une analyse symboliste. Les pratiques sportives expriment et supportent un sens constitutif de la communauté : le sport devient un espace projectif dont la signification est cachée ; il peut être dans ce cas la représentation d’une transcendance et/ou une pratique ritualisée. Les pratiques sportives sont alors envisagées de manière étendue, non limitée à la perspective technique, le versant psychologique qui les marque spécifiant le processus à l’œuvre. Il est ainsi plus difficile de développer l’idée d’une anthropologie du sport que l'idée d'une anthropologie des pratiques corporelles. En tant que phénomène général, le sport est principalement l’objet d’une sociologie, même s'il peut être celui d'une anthropologie qui reste alors philosophique, soutenant l'universalisme du phénomène et promouvant un idéal sportif. Le phénomène sportif y est envisagé de façon a-culturelle; l'anthropologue considère dans ce cas les pratiques de manière transcendante et reconstruit intellectuellement leur unité phénoménologique. En revanche, l’intérêt premier accordé aux sujets des pratiques sportives, à leurs actes et aux connaissances qu’ils formulent à propos de ceux-ci, doit mener à une anthropologie des pratiques corporelles. Si une ethnologie distingue des styles de pratiques sportives, une anthropologie suppose d'emprunter des propositions théoriques qui établissent la nature des connaissances incorporées qui sous-tendent les pratiques. Ainsi, l'arbitrage en rugby peut être étudié comme une pratique particulière au cours de laquelle l'arbitre montre et impose aux joueurs ce qui est possible relativement aux modalités cognitives selon lesquelles il appréhende spontanément l'activité des joueurs (Rix 2007). En ce sens, seule une anthropologie cognitive des pratiques sportives pourrait, à partir des travaux de terrain, mettre à jour les modes généraux -voire universels- de connaissance sous-jacents à l’inscription des activités corporelles humaines dans un cadre socialement normé.
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De Santis Feltran, Gabriel. "O VALOR DOS POBRES: a aposta no dinheiro como mediação para o conflito social contemporâneo." Caderno CRH 27, no. 72 (June 19, 2015). http://dx.doi.org/10.9771/ccrh.v27i72.19740.

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No Brasil, as periferias são o centro de duas figurações recentes e dicotômicas: a da violência urbana que pede mais repressão e a do desenvolvimento social, que transformaria pobres em “Classe C”. Este ensaio argumenta que a representação da “violência urbana” retirou o centro da “questão social” contemporânea dos “trabalhadores”, deslocando-o aos “marginais”. A derrocada do universalismo inscrito nesse deslocamento enseja um governo seletivo que recorta a população em distintos graus de “vulnerabilidade” e níveis de “complexidade” da intervenção estatal; como efeito colateral, emergem distintos regimes normativos nas periferias – por exemplo: estatal, do “crime” e religioso – que embora estejam sempre em tensão, encontram coesão no fato de regularem mercados monetarizados. O dinheiro passa a mediar a relação entre os grupos recortados e suas formas de vida que, sob outras perspectivas – a lei ou a moral – estariam em alteridade radical; o consumo emerge como forma de vida comum e a expansão mercantil, aposta de todos, conecta mercados legais e ilegais, inclusive fomentando a violência urbana que pretensamente controlaria. PALAVRAS-CHAVE: Periferias. Violência. Desenvolvimento. Dinheiro. Valor. THE VALUE OF THE POOR: the gamble that cash money can mediate contemporary social conflict Gabriel de Santis Feltran In contemporary Brazil, the urban periphery have two recent and dichotomous figurations: the cause of “urban violence” that calls for more repression and the core of the “development” which can turn poor people into “middle class”. This essay argues that the representation of “urban violence” displaced the center of contemporary “social question” from “the worker” to the “marginal people”. The collapse of universalism involved in this shift entails a selective government that categorizes the population in varying degrees of “vulnerability” and levels of “complexity” of state intervention; as a side effect, different regulatory regimes emerge on urban peripheries - e.g., state, “crime” and the religious - that although always in tension, have cognitive cohesion based in monetized markets. The money seems to mediate the relationship between forms of life which, from other perspectives - legal or moral - would be in radical alterity; consumption emerges as a form of common life and mercantile expansion, above all, connects legal and illegal markets, including fostering urban violence that development allegedly would control. KEY WORDS: Urban outskirts. Violence. Development. Money. Value LA VALEUR DES PAUVRES – Parier que l’argent peut servir de médiation pour le conflit social contemporain Gabriel de Santis Feltran Au Brésil, les banlieues sont au centre de deux types de représentations récentes et dichotomiques: la de la “violence urbaine” qu’appelle à davantage de répression, tandis qu’une basée à l’idée de nouvelles “classes moyennes”. Cet article soutient que la representation de la violence urbaine a conduit à un déplacement du foyer de la “question sociale” contemporaine de l’ancienne figure du “travailleur” vers celle du “marginal”. L’effondrement de l’universalisme inscrit dans ce changement s’accompagne d’un mode de gouvernement découpant la population de manière sélective en fonction de divers coefficients de “vulnérabilité”. Corollaires de ces évolutions, de nouveaux régimes normatifs émergent dans les “periferias”, par exemple le “monde du crime”, le pentecôtisme et l’autorité étatique. Si le développement de ces différents régimes conccurents nourrit un certain nombre de tensions, il apporte cependant une source de cohésion spécifique basée sur le fait que chacun de ces regimes régule des marchés monétaires. Ll’argent apparaît comme médiateur des formes de vie qui, envisagés sous d’autres points de vue - ceux de la loi ou de la morale -, seraient définis sous le registre de l’altérité radicale. La consommation apparaît ainsi comme une forme de vie commune et l’expansion mercantile connecte marchés légaux et illégaux et contribue à nourrir la violence urbaine qu’elle est pourtant réputée contrôler. MOTS-CLÉS: Banlieues. Violence. Développement. Argent. Valeur. Publicação Online do Caderno CRH no Scielo: http://www.scielo.br/ccrh Publicação Online do Caderno CRH: http://www.cadernocrh.ufba.br
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Pensieroso, Luca, and Michel De Vroey. "Focus 25 - juin 2020." Regards économiques, July 16, 2020. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco2020.06.04.01.

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En décembre 2019, les membres de Rethinking Economics Belgium (dorénavant REB) ont diffusé un rapport intitulé “Dix ans après la crise, faut-il changer la formation des futurs économistes ?”. Ce rapport présente les résultats d’une enquête statistique réalisée auprès d’un échantillon d’étudiants bacheliers en sciences économiques en Fédération Wallonie-Bruxelles entre 2016 et 2017. Ses auteurs y déplorent que l’enseignement des sciences économiques est presque exclusivement centré sur l'approche néoclassique alors que celle-ci, selon eux, souffre d'un biais en faveur de l'idéologie néolibérale. Stigmatisant cette situation comme un manque de pluralisme, le rapport avance un certain nombre de propositions de réforme de l’enseignement et de la recherche en économie. Nous accueillons ce rapport comme une belle opportunité de disputatio et c'est dans cet esprit que notre note a été écrite. Bien que selon nous le rapport comporte plusieurs défauts méthodologiques, notre intention dans cette note est de nous limiter à l’essentiel en proposant une interprétation différente du phénomène que les auteurs du rapport appellent la «domination de la théorie néoclassique» et en défendant l’idée que la question du pluralisme en économie gagne à être abordée d’une manière différente. Une domination néoclassique ? L’approche néoclassique est un courant de la pensée économique qui vit le jour dans le dernier quart du 19ème siècle. Ses piliers sont la notion d'équilibre et la théorie subjective de la valeur, enracinée dans une perspective d'individualisme méthodologique et fondée sur les concepts d’utilité marginale et de productivité marginale*. Les auteurs du document de REB rattachent sa “domination” dans l’enseignement au fait qu’elle existe “quasiment sans partage” dans la recherche. En d’autres termes, elle y occupe le statut de “mainstream”. La notion de mainstream se rencontre fréquemment dans la littérature économique – ainsi que dans le rapport de REB – mais elle est souvent définie d’une manière vague. Dans un article récent (De Vroey et Pensieroso 2020), nous avançons la thèse que cette notion n’est intéressante que si on lui donne un fondement méthodologique au lieu de se contenter de la rattacher à une simple prépondérance statistique. Dans cette vue, une situation de mainstream n’existe que si un consensus s’établit sur des critères méthodologiques considérés comme des sine qua non pour une bonne pratique scientifique. Dans notre article, nous montrons que trois types de situations se sont succédés au cours du 20ème siècle. La première est un état d’absence de mainstream. Elle a perduré jusque dans les années 1980. Ces dernières ont vu l’émergence d’un mainstream en économie théorique, qu’il s’agisse de travaux de pure théorie ou de travaux combinant théorie et mesure empirique. C’est la seconde situation. Elle a émergé à la croisée de deux évolutions distinctes. La première est l’extension à différents champs de l’économie de trois principes méthodologiques déjà en vigueur en théorie des jeux et en microéconomie: (i) le rôle-pivot donné au concept d’équilibre, (ii) la modélisation mathématique et (iii) le caractère micro-fondé de l’analyse, à savoir l’exigence que les fonctions de demande et offre agrégées soient explicitement dérivées des règles de comportement optimisateur suivies par les agents économiques. Une telle extension s’est produite plus ou moins simultanément et d’une manière non-coordonnée dans différentes disciplines comme par exemple la macroéconomie et l’économe industrielle. A son origine, on trouve une insatisfaction quant aux principes méthodologiques en vigueur antérieurement. La seconde évolution est le phénomène général de certification qui a graduellement imprégné nos sociétés pour prendre son plein essor avec l’émergence de l’internet – l’attribution de brevets de qualité et la construction d’échelles appréciatives permettant de classer des objets ou des expériences diverses en fonction de leur excellence. Dans ce contexte, les revues scientifiques, en plus de leur rôle d’instrument de diffusion de la recherche, ont commencé à fonctionner comme organes de certification, séparant les articles respectant les standards méthodologiques de ceux qui ne les respectent pas et sont dès lors écartés. L’effet de cette double transformation se résume en quelques chiffres ayant trait au contenu des articles publiés dans les quatre principales revues économiques (American Economic Review, Econometrica, Journal of Political Economy et Quarterly Journal of Economics) dans les périodes 1970-1990 et 1990-2010. Alors que les articles respectant les trois choix méthodologiques précités représentaient 38 % du total des articles publiés en 1970, en 1990 ils en représentaient 67 % et en 2010 69 %. Nous interprétons ces chiffres comme offrant une indication claire de l’émergence d’un mainstream dans le champ théorique entre 1970 et 1990. Par contre durant cette période, aucun consensus méthodologique n’existait en ce qui concernait les travaux faisant une contribution exclusivement empirique, l’économie appliquée. Mais ce qui n’était pas vrai en 1990 l’est devenu au cours de la première décennie de ce siècle. La situation actuelle se caractérise par la montée en puissance de l’‘économie expérimentale’, ce terme étant entendu dans un sens large comme le commun dénominateur (i) des expériences comportementales de laboratoire, (ii) des randomized controlled trial et (iii) des ‘expériences naturelles’.** Le premier de ces courants résulte de l’adoption par un groupe d’économistes de protocoles expérimentaux propres aux psychologues cognitifs dans le but de justifier le remplacement de l’hypothèse de comportement optimisateur par des hypothèses plus réalistes. Le succès venant, cette démarche est maintenant connue sous le nom d’‘économie comportementale’. Le second découle de l’adoption par des économistes du développement de techniques expérimentales en usage en épidémiologie et centrées sur une confrontation entre groupe de traitement et de groupe de contrôle (cfr. Parienté 2016). Quant aux études d’expériences naturelles, elles consistent à exploiter «des situations où les forces de la nature ou des politiques étatiques semblent avoir conspiré pour produire un environnement proche de celui sur lequel les randomized trials se penchent» (Angrist and Krueger 2001 : 73). Les méthodes adoptées en économie expérimentale au sens large ont eu un impact majeur sur l’économie appliquée. Une nouvelle manière de la concevoir, marquant une triple rupture par rapport à l’économie appliquée traditionnelle, s’est dégagée. On y observe :i) Une émancipation à l’égard des impératifs méthodologiques imposés par les économètres théoriques. Le recours à des outils économétriques plus simples en est la conséquence (cfr. Angrist et Peschke 2017).ii) Une adhésion à la ‘révolution causale’ avec, comme corolaire, un résultat de rétrécissement de l’objet d’étude. L’explanandum est une question concrète et spécifique ayant souvent une incidence politique immédiate; l’explanans est une cause unique. A titre d’exemple, citons l’étude de Dal et Krueger (2002) visant à répondre la question, le fait d’être diplômé d’une université prestigieuse au minerval élevé plutôt que d’une université moins prestigieuse et moins chère génère-t-il une différence de revenu significative une vingtaine d’année après l’obtention du diplôme ?iii) Le recours à des instruments statistiques - telles que les variables instrumentales, la stratégie de double différence ou les discontinuités de régression - visant à éliminer les biais de sélection ou d’omissions et dont les règles de bon usage font l’objet d’un consensus à l’intérieur de la communauté des économistes appliqués. Le mainstream théorique se voit ainsi complété par un mainstream empirique fondé sur des règles méthodologiques régissant chacune de trois composantes de l’économie expérimentale. De nos jours, il y a donc deux manières d’appartenir au mainstream. La première résulte d’une définition méthodologique de ce qui est considéré être une bonne pratique théorique, la seconde d’une définition méthodologique de ce qui est considéré être une bonne pratique empirique. Notre analyse sur le débat ouvert par le rapport REB a deux retombées. En premier lieu, on peut se demander si mainstream et approche néoclassique coïncident. A strictement parler, cela n’est pas le cas. D’abord, la théorie des jeux est une composante du mainstream qui ne peut être identifiée à l’approche néoclassique. Ensuite, il y a des travaux néoclassiques qui se trouvent être exclus du mainstream - la théorie autrichienne, parce qu’elle n’adopte pas le langage mathématique, et les études néoclassiques qui n’adoptent pas la démarche de micro-fondements. Enfin, en 2010, la part du mainstream empirique dans le total des deux mainstreams représentait 22 %. Or, par définition, aucun des articles qui en font partie n’appartient à l’approche néoclassique. Le tableau contemporain est donc bien plus riche et varié que ce qui est dépeint dans le rapport REB. La seconde question qui se pose du fait de l’existence d’un mainstream en économie porte sur l’interprétation de cette réalité. Il est clair que les tenants des approches écartées se sentent frustrés d’être exclus du mainstream avec toutes les conséquences professionnelles qui en découlent. Ils auront donc tendance à voir cette situation comme une régression par rapport à une situation antérieure plus satisfaisante car marquée du sceau du pluralisme. Par contre, les économistes dont les travaux s’inscrivent à l’intérieur des critères définissant le mainstream peuvent avancer l’idée que l’unification de la discipline autour de critères méthodologiques clairs et nets est un signe de progrès. En conséquence, la question de savoir si l’existence d’un mainstream est une régression ou la marque d’un progrès ne peut recevoir de réponse univoque. Une absence de pluralisme ? Trois stratégies s’offrent aux tenants de choix méthodologiques exclus du mainstream. La première (et la plus intéressante à nos yeux) est de centrer leur énergie sur le développement de leur paradigme préféré, comme si de rien n’était, dans le but d’en démontrer la fécondité explicative. La seconde vise à convaincre les tenants du mainstream que les choix de base sur lesquels ils reposent sont inadéquats. A notre avis, les chances de succès de cette seconde stratégie sont minimes si, comme nous le pensons, les révolutions théoriques trouvent en général leurs origines dans des faiblesses mises en avant par une critique interne. La troisième consiste à affirmer que l’existence même d’un mainstream est condamnable parce qu’il s’agit d’un manque de pluralisme. Comme ce point de vue occupe une place centrale dans le document REB, il mérite d’être passé au crible. A nos yeux, la justification qui en est donnée n’est pas convaincante. Le fait que l’exigence de pluralisme est d’une importance primordiale dans le domaine de la démocratie politique et de l’information n’implique pas que ceci soit aussi le cas pour la connaissance scientifique. Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, une unification paradigmatique peut être interprétée comme une marque de progrès. Il reste qu’en économie, peut-être plus que dans d’autres sciences, la question du pluralisme doit être posée. Mais, à nos yeux, elle doit l’être dans d’autres termes. Depuis Adam Smith jusqu’à nos jours, les économistes ont débattu de la meilleure manière d’organiser la société dans sa dimension économique. L’objet d’étude de la science économique est donc éminemment politique. D’ailleurs, les travaux économiques débouchent souvent, sinon toujours, sur des conclusions de politique économique. L’enjeu sous-jacent porte sur le rôle respectif de l’Etat et des forces de marchés dans le fonctionnement de l’économie. Schématiquement, trois visions du capitalisme sont en présence : une vision pleinement libérale (le laissez faire d’Hayek ou de Friedman), une vision marxiste et une vision que l’on peut qualifier de «libéralisme mitigé» ou de «libéralisme raisonné». Cette dernière, associée notamment au nom de Keynes, consiste en une défense de l’économie de marché allant de pair avec la réalisation qu’elle peut rencontrer des échecs de fonctionnement auxquels seules des interventions étatiques sont à même de remédier. L’accusation de manque de pluralisme serait pertinente s’il s’avérait que le mainstream théorique, tel que nous l’avons cerné dans la section précédente, est intrinsèquement partisan d’une seule vision, le plein libéralisme par exemple. Dans un article, publié dans les Regards Économiques en 2018, nous avons démontré que cela n’est pas le cas en nous centrant sur trois épisodes de l’histoire des théories économiques - une comparaison du cadre conceptuel de Marx et des économistes classiques, l’utilisation de la théorie walrasienne pour justifier le socialisme et les controverses entre keynésiens et monétaristes. Dans cette perspective, tant la théorie classique que la théorie néoclassique sont un langage qui peut être mis au service de visions du capitalisme différentes. L’existence d’un mainstream en économie n’est donc pas synonyme d’un manque de pluralisme en économie. * Cfr. De Vroey et Pensieroso (2018) pour plus de détails.** En témoignent les prix Nobel en économie décernés à D. Kahneman et V. Smith en 2002, à A. Roth en 2012, à R. Shiller en 2013, à R. Thaler en 2017 et à A. Banerjee, E. Duflo and M. Kremer en 2019. Références: Angrist, J. and A. Krueger (2001), “Instrumental Variables and the Search for Identification: From Supply and Demand to Natural Experiments.” Journal of Economic Perspectives. 15, No. 4 : 69-85. Angrist, J. and J-S. Pischke. 2009. Mostly Harmless Econometrics. An Empiricist's Companion. Princeton (N. J.) and Oxford, Princeton University Press. Dale, S. and Al Krueger. 2002. “Estimating the Payoff to Attending a More Selective College: An Application of Selection on Observables and Unobservables.” Quarterly Journal of Economics 117: 1491–1527. De Vroey M. et L. Pensieroso (2020), “Mainstream Economics. Its Rise and Evolution”, mimeo. De Vroey M. et L. Pensieroso (2018), “La question du pluralisme en économie. Une mise en perspective”, Regards Économiques, numéro 137. Parienté W. (2016), “Mesurer l'effet des politiques publiques : l'essor des évaluations aléatoires”, Regards Économiques, numéro 124. Rethinking Economics Belgium (2019), 10 ans après la crise : faut-il changer la formation des futur·e·s économistes ?
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Leclerc, Véronique, Alexandre Tremblay, and Chani Bonventre. "Anthropologie médicale." Anthropen, 2020. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.125.

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L’anthropologie médicale est un sous-champ de l’anthropologie socioculturelle qui s’intéresse à la pluralité des systèmes médicaux ainsi qu’à l’étude des facteurs économiques, politiques et socioculturels ayant un impact sur la santé des individus et des populations. Plus spécifiquement, elle s’intéresse aux relations sociales, aux expériences vécues, aux pratiques impliquées dans la gestion et le traitement des maladies par rapport aux normes culturelles et aux institutions sociales. Plusieurs généalogies de l’anthropologie médicale peuvent être retracées. Toutefois, les monographies de W.H.R. Rivers et d’Edward Evans-Pritchard (1937), dans lesquelles les représentations, les connaissances et les pratiques en lien avec la santé et la maladie étaient considérées comme faisant intégralement partie des systèmes socioculturels, sont généralement considérées comme des travaux fondateurs de l’anthropologie médicale. Les années 1950 ont marqué la professionnalisation de l’anthropologie médicale. Des financements publics ont été alloués à la discipline pour contribuer aux objectifs de santé publique et d’amélioration de la santé dans les communautés économiquement pauvres (Good 1994). Dans les décennies qui suivent, les bases de l’anthropologie médicale sont posées avec l’apparition de nombreuses revues professionnelles (Social Science & Medicine, Medical Anthropology, Medical Anthropology Quarterly), de manuels spécialisés (e.g. MacElroy et Townsend 1979) et la formation du sous-groupe de la Society for Medical Anthropology au sein de l’American Anthropological Association (AAA) en 1971, qui sont encore des points de références centraux pour le champ. À cette époque, sous l’influence des théories des normes et du pouvoir proposées par Michel Foucault et Pierre Bourdieu, la biomédecine est vue comme un système structurel de rapports de pouvoir et devient ainsi un objet d’étude devant être traité symétriquement aux autres systèmes médicaux (Gaines 1992). L’attention portée aux théories du biopouvoir et de la gouvernementalité a permis à l’anthropologie médicale de formuler une critique de l’hégémonie du regard médical qui réduit la santé à ses dimensions biologiques et physiologiques (Saillant et Genest 2007 : xxii). Ces considérations ont permis d’enrichir, de redonner une visibilité et de l’influence aux études des rationalités des systèmes médicaux entrepris par Evans-Pritchard, et ainsi permettre la prise en compte des possibilités qu’ont les individus de naviguer entre différents systèmes médicaux (Leslie 1980; Lock et Nguyen 2010 : 62). L’aspect réducteur du discours biomédical avait déjà été soulevé dans les modèles explicatifs de la maladie développés par Arthur Kleinman, Leon Eisenberg et Byron Good (1978) qui ont introduit une distinction importante entre « disease » (éléments médicalement observables de la maladie), « illness » (expériences vécues de la maladie) et « sickness » (aspects sociaux holistes entourant la maladie). Cette distinction entre disease, illness et sickness a joué un rôle clé dans le développement rapide des perspectives analytiques de l’anthropologie médicale de l’époque, mais certaines critiques ont également été formulées à son égard. En premier lieu, Allan Young (1981) formule une critique des modèles explicatifs de la maladie en réfutant l'idée que la rationalité soit un model auquel les individus adhèrent spontanément. Selon Young, ce modèle suggère qu’il y aurait un équivalant de structures cognitives qui guiderait le développement des modèles de causalité et des systèmes de classification adoptées par les personnes. Au contraire, il propose que les connaissances soient basées sur des actions, des relations sociales, des ressources matérielles, avec plusieurs sources influençant le raisonnement des individus qui peuvent, de plusieurs manières, diverger de ce qui est généralement entendu comme « rationnel ». Ces critiques, ainsi que les études centrées sur l’expérience des patients et des pluralismes médicaux, ont permis de constater que les stratégies adoptées pour obtenir des soins sont multiples, font appel à plusieurs types de pratiques, et que les raisons de ces choix doivent être compris à la lumière des contextes historiques, locaux et matériaux (Lock et Nguyen 2010 : 63). Deuxièmement, les approches de Kleinman, Eisenberger et Good ont été critiquées pour leur séparation artificielle du corps et de l’esprit qui représentait un postulat fondamental dans les études de la rationalité. Les anthropologues Nancy Scheper-Hughes et Margeret Lock (1987) ont proposé que le corps doit plutôt être abordé selon trois niveaux analytiques distincts, soit le corps politique, social et individuel. Le corps politique est présenté comme étant un lieu où s’exerce la régulation, la surveillance et le contrôle de la différence humaine (Scheper-Hughes et Lock 1987 : 78). Cela a permis aux approches féministes d’aborder le corps comme étant un espace de pouvoir, en examinant comment les discours sur le genre rendent possible l’exercice d’un contrôle sur le corps des femmes (Manderson, Cartwright et Hardon 2016). Les premiers travaux dans cette perspective ont proposé des analyses socioculturelles de différents contextes entourant la reproduction pour contrecarrer le modèle dominant de prise en charge médicale de la santé reproductive des femmes (Martin 1987). Pour sa part, le corps social renvoie à l’idée selon laquelle le corps ne peut pas être abordé simplement comme une entité naturelle, mais qu’il doit être compris en le contextualisant historiquement et socialement (Lupton 2000 : 50). Finalement, considérer le corps individuel a permis de privilégier l’étude de l’expérience subjective de la maladie à travers ses variations autant au niveau individuel que culturel. Les études de l’expérience de la santé et la maladie axées sur l’étude des « phénomènes tels qu’ils apparaissent à la conscience des individus et des groupes d’individus » (Desjarlais et Throop 2011 : 88) se sont avérées pertinentes pour mieux saisir la multitude des expériences vécues des états altérés du corps (Hofmann et Svenaeus 2018). En somme, les propositions de ces auteurs s’inscrivent dans une anthropologie médicale critique qui s’efforce d’étudier les inégalités socio-économiques (Scheper-Hughes 1992), l’accès aux institutions et aux savoirs qu’elles produisent, ainsi qu’à la répartition des ressources matérielles à une échelle mondiale (Manderson, Cartwright et Hardon 2016). Depuis ses débuts, l’anthropologie médicale a abordé la santé globale et épidémiologique dans le but de faciliter les interventions sur les populations désignées comme « à risque ». Certains anthropologues ont développé une perspective appliquée en épidémiologie sociale pour contribuer à l’identification de déterminants sociaux de la santé (Kawachi et Subramanian 2018). Plusieurs de ces travaux ont été critiqués pour la culturalisation des pathologies touchant certaines populations désignées comme étant à risque à partir de critères basés sur la stigmatisation et la marginalisation de ces populations (Trostle et Sommerfeld 1996 : 261). Au-delà des débats dans ce champ de recherche, ces études ont contribué à la compréhension des dynamiques de santé et de maladie autant à l’échelle globale, dans la gestion des pandémies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qu’aux échelles locales avec la mise en place de campagnes de santé publique pour faciliter l’implantation de mesures sanitaires, telles que la vaccination (Dubé, Vivion et Macdonald 2015). L’anthropologie a contribué à ces discussions en se penchant sur les contextes locaux des zoonoses qui sont des maladies transmissibles des animaux vertébrés aux humains (Porter 2013), sur la résistance aux antibiotiques (Landecker 2016), comme dans le cas de la rage et de l’influenza (Wolf 2012), sur les dispositifs de prévention mis en place à une échelle mondiale pour éviter l’apparition et la prolifération d’épidémies (Lakoff 2010), mais aussi sur les styles de raisonnement qui sous-tendent la gestion des pandémies (Caduff 2014). Par ailleurs, certains auteur.e.s ont utilisé le concept de violence structurelle pour analyser les inégalités socio-économiques dans le contexte des pandémies de maladies infectieuses comme le sida, la tuberculose ou, plus récemment, l’Ébola (Fassin 2015). Au-delà de cet aspect socio-économique, Aditya Bharadwaj (2013) parle d’une inégalité épistémique pour caractériser des rapports inégaux dans la production et la circulation globale des savoirs et des individus dans le domaine de la santé. Il décrit certaines situations comme des « biologies subalternes », c’est à dire des états de santé qui ne sont pas reconnus par le système biomédical hégémonique et qui sont donc invisibles et vulnérables. Ces « biologies subalternes » sont le revers de citoyennetés biologiques, ces dernières étant des citoyennetés qui donnes accès à une forme de sécurité sociale basée sur des critères médicaux, scientifiques et légaux qui reconnaissent les dommages biologiques et cherche à les indemniser (Petryna 2002 : 6). La citoyenneté biologique étant une forme d’organisation qui gravite autour de conditions de santé et d’enjeux liés à des maladies génétiques rares ou orphelines (Heath, Rapp et Taussig 2008), ces revendications mobilisent des acteurs incluant les institutions médicales, l’État, les experts ou encore les pharmaceutiques. Ces études partagent une attention à la circulation globale des savoirs, des pratiques et des soins dans la translation — ou la résistance à la translation — d’un contexte à un autre, dans lesquels les patients sont souvent positionnés entre des facteurs sociaux, économiques et politiques complexes et parfois conflictuels. L’industrie pharmaceutique et le développement des technologies biomédicales se sont présentés comme terrain important et propice pour l’analyse anthropologique des dynamiques sociales et économiques entourant la production des appareils, des méthodes thérapeutiques et des produits biologiques de la biomédecine depuis les années 1980 (Greenhalgh 1987). La perspective biographique des pharmaceutiques (Whyte, Geest et Hardon 2002) a consolidé les intérêts et les approches dans les premières études sur les produits pharmaceutiques. Ces recherches ont proposé de suivre la trajectoire sociale des médicaments pour étudier les contextes d’échanges et les déplacements dans la nature symbolique qu’ont les médicaments pour les consommateurs : « En tant que choses, les médicaments peuvent être échangés entre les acteurs sociaux, ils objectivent les significations, ils se déplacent d’un cadre de signification à un autre. Ce sont des marchandises dotées d’une importance économique et de ressources recelant une valeur politique » (traduit de Whyte, Geest et Hardon 2002). D’autres ont davantage tourné leur regard vers les rapports institutionnels, les impacts et le fonctionnement de « Big Pharma ». Ils se sont intéressés aux processus de recherche et de distribution employés par les grandes pharmaceutiques à travers les études de marché et les pratiques de vente (Oldani 2014), l’accès aux médicaments (Ecks 2008), la consommation des produits pharmaceutiques (Dumit 2012) et la production de sujets d’essais cliniques globalisés (Petryna, Lakoff et Kleinman 2006), ainsi qu’aux enjeux entourant les réglementations des brevets et du respect des droits politiques et sociaux (Ecks 2008). L’accent est mis ici sur le pouvoir des produits pharmaceutiques de modifier et de changer les subjectivités contemporaines, les relations familiales (Collin 2016), de même que la compréhensions du genre et de la notion de bien-être (Sanabria 2014). Les nouvelles technologies biomédicales — entre autres génétiques — ont permis de repenser la notion de normes du corps en santé, d'en redéfinir les frontières et d’intervenir sur le corps de manière « incorporée » (embodied) (Haraway 1991). Les avancées technologiques en génomique qui se sont développées au cours des trois dernières décennies ont soulevé des enjeux tels que la généticisation, la désignation de populations/personnes « à risque », l’identification de biomarqueurs actionnables et de l’identité génétique (TallBear 2013 ; Lloyd et Raikhel 2018). Au départ, le modèle dominant en génétique cherchait à identifier les gènes spécifiques déterminant chacun des traits biologiques des organismes (Lock et Nguyen 2010 : 332). Cependant, face au constat que la plupart des gènes ne codaient par les protéines responsables de l’expression phénotypique, les modèles génétiques se sont depuis complexifiés. L’attention s’est tournée vers l’analyse de la régulation des gènes et de l’interaction entre gènes et maladies en termes de probabilités (Saukko 2017). Cela a permis l’émergence de la médecine personnalisée, dont les interventions se basent sur l’identification de biomarqueurs personnels (génétiques, sanguins, etc.) avec l’objectif de prévenir l’avènement de pathologies ou ralentir la progression de maladies chroniques (Billaud et Guchet 2015). Les anthropologues de la médecine ont investi ces enjeux en soulevant les conséquences de cette forme de médecine, comme la responsabilisation croissante des individus face à leur santé (Saukko 2017), l’utilisation de ces données dans l’accès aux assurances (Hoyweghen 2006), le déterminisme génétique (Landecker 2011) ou encore l’affaiblissement entre les frontières de la bonne santé et de la maladie (Timmermans et Buchbinder 2010). Ces enjeux ont été étudiés sous un angle féministe avec un intérêt particulier pour les effets du dépistage prénatal sur la responsabilité parentale (Rapp 1999), l’expérience de la grossesse (Rezende 2011) et les gestions de l’infertilité (Inhorn et Van Balen 2002). Les changements dans la compréhension du modèle génomique invitent à prendre en considération plusieurs variables en interaction, impliquant l’environnement proche ou lointain, qui interagissent avec l’expression du génome (Keller 2014). Dans ce contexte, l’anthropologie médicale a développé un intérêt envers de nouveaux champs d’études tels que l’épigénétique (Landecker 2011), la neuroscience (Choudhury et Slaby 2016), le microbiome (Benezra, DeStefano et Gordon 2012) et les données massives (Leonelli 2016). Dans le cas du champ de l’épigénétique, qui consiste à comprendre le rôle de l’environnement social, économique et politique comme un facteur pouvant modifier l’expression des gènes et mener au développement de certaines maladies, les anthropologues se sont intéressés aux manières dont les violences structurelles ancrées historiquement se matérialisent dans les corps et ont des impacts sur les disparités de santé entre les populations (Pickersgill, Niewöhner, Müller, Martin et Cunningham-Burley 2013). Ainsi, la notion du traumatisme historique (Kirmayer, Gone et Moses 2014) a permis d’examiner comment des événements historiques, tels que l’expérience des pensionnats autochtones, ont eu des effets psychosociaux collectifs, cumulatifs et intergénérationnels qui se sont maintenus jusqu’à aujourd’hui. L’étude de ces articulations entre conditions biologiques et sociales dans l’ère « post-génomique » prolonge les travaux sur le concept de biosocialité, qui est défini comme « [...] un réseau en circulation de termes d'identié et de points de restriction autour et à travers desquels un véritable nouveau type d'autoproduction va émerger » (Traduit de Rabinow 1996:186). La catégorie du « biologique » se voit alors problématisée à travers l’historicisation de la « nature », une nature non plus conçue comme une entité immuable, mais comme une entité en état de transformation perpétuelle imbriquée dans des processus humains et/ou non-humains (Ingold et Pálsson 2013). Ce raisonnement a également été appliqué à l’examen des catégories médicales, conçues comme étant abstraites, fixes et standardisées. Néanmoins, ces catégories permettent d'identifier différents états de la santé et de la maladie, qui doivent être compris à la lumière des contextes historiques et individuels (Lock et Nguyen 2010). Ainsi, la prise en compte simultanée du biologique et du social mène à une synthèse qui, selon Peter Guarnaccia, implique une « compréhension du corps comme étant à la fois un système biologique et le produit de processus sociaux et culturels, c’est-à-dire, en acceptant que le corps soit en même temps totalement biologique et totalement culturel » (traduit de Guarnaccia 2001 : 424). Le concept de « biologies locales » a d’abord été proposé par Margaret Lock, dans son analyse des variations de la ménopause au Japon (Lock 1993), pour rendre compte de ces articulations entre le matériel et le social dans des contextes particuliers. Plus récemment, Niewöhner et Lock (2018) ont proposé le concept de biologies situées pour davantage contextualiser les conditions d’interaction entre les biologies locales et la production de savoirs et de discours sur celles-ci. Tout au long de l’histoire de la discipline, les anthropologues s’intéressant à la médecine et aux approches de la santé ont profité des avantages de s’inscrire dans l’interdisciplinarité : « En anthropologie médical, nous trouvons qu'écrire pour des audiences interdisciplinaires sert un objectif important : élaborer une analyse minutieuse de la culture et de la santé (Dressler 2012; Singer, Dressler, George et Panel 2016), s'engager sérieusement avec la diversité globale (Manderson, Catwright et Hardon 2016), et mener les combats nécessaires contre le raccourcies des explications culturelles qui sont souvent déployées dans la littérature sur la santé (Viruell-Fuentes, Miranda et Abdulrahim 2012) » (traduit de Panter-Brick et Eggerman 2018 : 236). L’anthropologie médicale s’est constituée à la fois comme un sous champ de l’anthropologie socioculturelle et comme un champ interdisciplinaire dont les thèmes de recherche sont grandement variés, et excèdent les exemples qui ont été exposés dans cette courte présentation.
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Auger, Reginald, and Allison Bain. "Anthropologie et archéologie." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.030.

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Abstract:
Les parcours sinueux qu’ont suivis l’anthropologie et l’archéologie en Amérique du Nord depuis une cinquantaine d’années démontrent des intérêts convergents pour la connaissance et l’explication du comportement humain et cela avec des méthodes de recherche de plus en plus divergentes. L’anthropologie qui a émergé des milieux intellectuels aux États-Unis au XIXe siècle avait pour origine l’intérêt pour la compréhension des populations autochtones de l’Amérique; de cet intérêt pour l’humain, se sont développés des outils pour comprendre le comportement qui se cachait derrière le geste posé. Dès le début, l’anthropologue s’intéressait aux comportements et l’archéologue documentait les traces du geste posé. De cette proximité entre l’anthropologie et l’archéologie qui s’est concrétisée par la création du Bureau of American Ethnology à la fin du XIXe siècle, il était naturel de placer la formation en archéologie au sein de départements d’anthropologie dans les universités aux États-Unis et au Canada. Malgré l’apparence initiale d’un champ unifié et d’un terrain partagé entre l’anthropologie et l’archéologie, la pratique s’est transformée pour devenir tout autre au fil des ans. Au milieu du XXe siècle, l’archéologie commence à remettre en question sa relation avec les interprétations fonctionnalistes des anthropologues (Trigger 2006 : 363-372). La première figure à souligner le problème de l’inéquation entre les résultats de la recherche archéologique et la théorie en anthropologie fut Walter Taylor (1948) dans son livre A Study of Archaeology. Taylor, le relativiste, exposa son penchant pour le particularisme historique dans une approche qu’il identifie comme étant conjonctive; pour ce chercheur iconoclaste, l’historiographie comptait pour beaucoup. L’approche conjonctive consistait à établir des corrélations entre différents types de données dans des contextes historiques et culturels spécifiques afin de faire le pont entre des particularités historiques (les collections archéologiques) et des données anthropologiques. La méthodologie qu’il proposait impliquait la vérification d’hypothèses par l’analyse de la composition et de la structure des collections archéologiques. L’objectif central de cette approche visait à mettre de l’avant des études contextuelles détaillées qui permettraient d’adapter des hypothèses générales sur la culture à des données spécifiques. Dans sa formulation de l’approche conjonctive en archéologie et la vérification d’hypothèses, Taylor reconnaissait qu’une réflexion critique était nécessaire puisque l'archéologue travaillait dans le présent. En dépit de la richesse des collections archéologiques et constatant le danger qui planait sur l’archéologie si nous avions continué à publier des listes d’attributs de nos objets au lieu d’interpréter la culture matérielle comme étant la trace du comportement humain, dans un geste de médiation entre l’anthropologie et l’archéologie, Binford (1962) publiait son article portant le titre Archaeology as Anthropology. Comme il le signale dans son introduction son article qui faisait suite à un ouvrage venant d’être publié par Willey et Phillips (1958) où l’on mentionne clairement que l’archéologie américaine « c’est de l’anthropologie ou rien du tout ». Ce geste d’éclat dans une période charnière de l’enseignement de l’archéologie dans les universités nord-américaines allait donner naissance à un nouveau paradigme que l’on appela la New Archaeology aussi connue sous le nom d’archéologie processuelle. Un tel changement de paradigme venait en contradiction avec les pratiques européennes en matière d’archéologie préhistorique, notamment celles de l’École de Bordeaux et de François Bordes, son membre le plus influent, qui avait réussi à imposer sa vision sur le sens de la variabilité des outils en pierre du paléolithique moyen (Bordes 1961; 1984). Dans sa thèse de doctorat intitulée The Bordes-Binford Debate: Transatlantic Interpretive Traditions in Paleolithic Archaeology, Melissa C. Wargo (2009) présente une analyse en profondeur des modes de pensée qui diffèrent entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Essentiellement, le raisonnement traditionnel voulait que l’apparition d’une nouvelle culture archéologique (de nouveaux types) puisse signifier la manifestation d’un nouveau groupe de personnes, un groupe ethnique détectable avec les outils de l’archéologie. C’est ce que nous apprenions à la lecture des travaux de François Bordes sur les changements technologiques observés au paléolithique moyen. Lorsque Binford est parvenu à étudier les mêmes collections, il proposa des interprétations toutes autres. Ainsi, alors que pour Bordes, des outils différents représentent des groupes différents; si l’ensemble de l’assemblage ne peut être attribué à un groupe avoisinant, peut-être alors que certains éléments peuvent l’être. Et si de tels parallèles peuvent être établis, l’approche de Bordes a pour corollaire que c’est là le lieu d’origine de la population à l’étude et que nous serions en présence d’une diffusion de traits culturels à partir de la migration d’un groupe ethnique. Pour Binford, la différence dans la composition des assemblages devrait plutôt être interprétée comme étant le résultat d’adaptations; pour ce chercheur, les assemblages archéologiques sont des coffres d’outils adaptés pour une fonction particulière. Nonobstant la grande quantité de statistiques accumulées, Binford, de son propre aveu, admit qu’il fut incapable d’expliquer ce qu’elles signifiaient. En d’autres mots, il avait beaucoup d’information sur le présent mais ne pouvait l’expliquer par manque d’analogie avec le passé. En dépit de ces différences d’opinion, l’utilité de la typologie de Bordes réside dans le fait qu’elle fournissait un langage descriptif; cette typologie a cependant été par la suite rejetée par certains chercheurs qui considéraient que la définition des types de François Bordes était inadéquate parce que trop subjective. Pire encore, Bordes a été accusé d’incorporer dans ses interprétations des hypothèses non vérifiées sur les capacités cognitives des hominidés durant le paléolithique moyen. De nos jours, nos analyses de la technologie visent à remplacer cette approche typologique de Bordes par une méthode s’appuyant sur la combinaison d’attributs dont la description porte davantage sur le comportement. De toute évidence, le débat entre le promoteur de la New Archaeology et la figure de proue de l’archéologie française et son approche taxonomique en pierre a permis de mettre en évidence un malaise profond sur la façon dont le passé devrait être interprété. Ce débat est aussi emblématique de traditions scientifiques différentes entre l’Europe et l’Amérique du Nord. C’est dans ce contexte intellectuel que sont nés des départements d’anthropologie associant l’anthropologie culturelle, l’anthropologie biologique, la linguistique et l’archéologie. Ces quatre champs sont apparus à des moments bien précis de l’histoire des universités nord-américaines mais de nos jours, la réalité de l’anthropologie est devenue beaucoup plus complexe (Bruner 2010). Un étudiant en archéologie peut avoir des besoins de formation en géographie, en histoire, en géologie, en botanique, en biologie, en ethnohistoire, en systèmes d’information géographique, en informatique, etc. alors qu’un étudiant en anthropologie pour atteindre un niveau de compétence élevé pourrait avoir besoin de formation en histoire, en science politique, en sociologie, en art, en littérature, en théorie critique, etc. Malgré que les besoins aient grandement changé depuis la création des départements d’anthropologie, les structures académiques sont demeurées statiques. La protection des départements d’anthropologie dans leur configuration actuelle des quatre champs relève le plus souvent des politiques universitaires. Ainsi, même si les professeurs étaient d’accord qu’il serait intellectuellement plus profitable de scinder ces gros départements, la question de diviser les départements d’anthropologie en unités plus petites qui feraient la promotion de l’interdisciplinarité dans les sciences humaines et sociales n’est pas envisagée dans la plupart des universités nord-américaines (Smith 2011). Au milieu de cette tourmente, se sont développés un certain nombre de départements et de programmes d’archéologie en Amérique du Nord. De là est née une discipline émancipée du joug des structures trop rigides et se donnant un ensemble de méthodes de recherche qui lui étaient propres. La trajectoire conceptuelle empruntée par ceux-ci a permis de remonter au-delà du geste et de la parole en retenant une classe cohérente de concepts explicatifs développés, certes en anthropologie, mais raffinés et adaptés au contact de l’archéologie et d’autres disciplines en sciences humaine et sociales et sciences de la nature. Cette indépendance intellectuelle de l’anthropologie s’est notamment affirmée par des collaborations entre l’archéologie et la philosophie des sciences (Kelly et Hanen 1988; Salmon 1982; Wylie 2002; Wylie et Chapman 2015). La croissance de l’intérêt pour les explications processuelles des données archéologiques chez plusieurs archéologues nord-américains fut motivée par le fait que les néo-évolutionistes en anthropologie mettaient trop l'accent sur les régularités dans les cultures. Les concepts utilisés en archéologie processuelle exerçaient une influence significative sur notre discipline et l’adoption de cette approche théorique était d’autant plus attrayante car les variables proposées se présentaient comme des causes majeures de changements culturels et relativement accessibles à partir des vestiges archéologiques. Cette approche s'intensifia et donna de nouvelles directions aux tendances déjà présentes en archéologie préhistorique. Dans ce changement de paradigme qui donna naissance au courant de la Nouvelle Archéologie en Amérique du Nord et à un moindre degré au Royaume-Uni, l’accent était placé sur la vérification d’hypothèses sur les processus culturels comme outils d’explication du passé. De la position qu’elle occupait comme l’un des quatre sous-champs de l’anthropologie ou encore, de celle de servante de l’histoire, l’archéologie est devenue l’un des plus vastes champs du monde académique (Sabloff 2008 : 28). En plus d’avoir trouvé son ancrage théorique dans les sciences sociales et humaines, l’archéologie, attirée par les techniques et méthodes fraie régulièrement avec les sciences physiques et les sciences de la nature. En se donnant ses propres méthodes de collecte et d’analyse pour l’examen de cultures distinctes et en poursuivant avec des comparaisons interculturelles, la discipline cherchait à mieux comprendre les cultures qui se sont développées à travers le temps et l’espace. Puisque l’objet d’étude de l’archéologie porte sur les traces de groupes humains dans leur environnement naturel et leur univers social, les questions qu’elle se pose sont fondamentales à l’histoire de l’humanité et pour répondre à de telles questions elle s’est dotée de méthodologies d’enquête qui lui sont propres. L’utilisation d’équipements sophistiqués pour déterminer la composition chimique des résidus lipidiques incrustés sur un outil en pierre taillée ou encore, les recherches sur la composition physico-chimique de la pâte d’une céramique sont des techniques visant à répondre à des questions d’ordre anthropologique. Le quand et le comment du passé sont relativement faciles à identifier alors que pour découvrir le pourquoi l’archéologue fait souvent appel à l’analogie ethnographique, une méthodologie issue de l’insatisfaction des archéologues à l’endroit des travaux en anthropologie culturelle (David et Kramer 2001). Une autre méthodologie est celle de l’archéologie expérimentale qui s’intéresse à la fabrication et à l’usage des outils (Tringham 1978), méthode similaires à celle de l’ethnoarchéologie. L’expérimentation à partir d’outils fabriqués par le chercheur et les banques de données provenant d’expérimentations contrôlées servent alors d’éléments de comparaison pour interpréter la forme des assemblages archéologiques (Chabot et al. 2014) est au centre de la méthode préconissée. Le développement de l’ethnoarchéologie durant les années 1970 aurait inspiré Binford (1981) lorsqu’il mit de l’avant l’utilisation de théories de niveau intermédiaire pour établir un lien entre ses données archéologiques et les théories de niveau supérieur sur le comportement. Sa décision semble avoir reposé sur les développements de l’approche ethnoarchéologique et ses propres terrains ethnoarchéologiques chez les Nunamiut de l’Alaska (Binford 1978). D’autres orientations théoriques ont vu le jour au cours des années 1960–1970 et ont fait la distinction entre différentes approches matérialistes par rapport à des schémas évolutionnistes antérieurs. Par exemple, Leslie White (1975) adopta une forme de déterminisme technologique très étroit qui reflétait une croyance en la technologie comme source de progrès social. Julian Steward (1955) envisagea un déterminisme écologique moins restrictif alors que Marvin Harris (1968) y voyait un déterminisme économique encore plus large. Pour ces quelques positivistes le rôle que l’archéologie se devait de jouer était d’expliquer la culture matérielle du passé. Quant à l’archéologue Lewis Binford (1987), il soutenait que l’étude des relations entre le comportement humain et la culture matérielle ne devrait pas être le rôle central de l’archéologie puisque selon lui, les données ne contiendraient aucune information directe sur les relations entre le comportement humain et la culture matérielle. Dorénavant, les données archéologiques se devaient d’être comprises par elles-mêmes, sans avoir recours à des analogies ethnographiques. Cette dernière approche voulait clairement établir de la distance entre l’archéologie, l’anthropologie culturelle, l’ethnologie et peut-être les sciences sociales en général ; son mérite était peut-être, justement, d’éviter les réductionnismes et les analogies rapides entre explications anthropologiques et assemblages archéologiques. Dans la même veine, d’autres remises en question sont apparues durant les années 1980 avec les travaux d’Ian Hodder (1982; 1985) sur la validité des certitudes positivistes qui avaient été le fonds théorique et empirique des adeptes de la New Archaeology. Depuis cette réflexion sur l’essence même de l’archéologie, Hodder a reconnu qu’une position critique est fondamentale face à l’objet d’étude; naquit alors le courant théorique post-processuel en archéologie. Dans son cheminement pour découvrir la signification des vestiges qu’elle étudie, l’archéologie post-processuelle s’appuie sur des études détaillées permettant d’adapter des hypothèses générales sur la culture à des données spécifiques en exploitant la diversité des sources; cette direction du courant post-processuel en archéologie porte le nom d’archéologie contextuelle. Comme tout changement de paradigme apporte avec lui son lot de détracteurs, l’archéologie post-processuelle a été immédiatement accusée d’une trop grande subjectivité interprétative voire, de déconstructionisme. Les autres orientations placées sous le label archéologie post-processuelle incluent : le structuralisme, le néo-marxisme, l’archéologie cognitive, la phénoménologie, et d’autres encore Ainsi l’individu, l’agent ou l’acteur et son intentionnalité devrait être au centre des interprétations dans la théorie post-processuelle. Nous pouvons conclure que l’examen de la relation entre l’anthropologie et l’archéologie en Amérique du Nord a permis de constater que, depuis ses débuts, l’archéologie dans cette région du monde a vécu une liaison relativement tumultueuse avec l’anthropologie. Cette condition, souvent problématique, a vu naître, au Canada d’abord, des groupuscules d’archéologues avec des intérêts divergents qui se sont distanciés des paradigmes qui dominaient les départements d’anthropologie pour former des départements d’archéologie ou des programmes d’archéologie autonomes des programmes d’anthropologie. Sur les chemins empruntés ces nouveaux départements sont entrés en relation avec les départements de sciences naturelles, notamment, la géographie, avec laquelle les archéologues ont partagé un ensemble de concepts et de méthodes. Il en a résulté un enseignement de l’archéologie nettement interdisciplinaire et faisant appel à des méthodes quantitatives pour comprendre la culture matérielle dans son environnement naturel et expliquer son milieu culturel à partir de concepts empruntés aussi bien aux sciences humaines qu’aux sciences naturelles.
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Hervé, Caroline. "Communs." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.086.

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Abstract:
Les communs (commons en anglais) peuvent être définis comme un ensemble de ressources physiques, matérielles ou immatérielles que les êtres humains cherchent à exploiter, à gérer ou à protéger pour assurer leur survie biologique, économique, sociale ou encore culturelle. Très à la mode depuis une quarantaine d’années en anthropologie, sociologie, histoire, économie ou encore en philosophie, ce concept a vu son champ d’application s’élargir, ses propositions théoriques s’étoffer et ses analyses se complexifier, tout en perdant progressivement son sens historique. Sortis du champ académique et instrumentalisés par les mouvements de résistance au néolibéralisme, les communs sont désormais au cœur de débats de société. La façon dont cette notion interroge les interactions entre les êtres humains et leur environnement, son intérêt pour éclairer la fabrication du social et sa réutilisation dans le débat public en fait un objet de recherche riche pour l’anthropologie. La définition du concept de communs est une entreprise difficile tant il renvoie à des usages divers. Si certains chercheurs tendent à privilégier, en français, l’usage du pluriel afin de marquer la grande variété des ressources regroupées sous la terminologie de communs, que l’on parle de ressources naturelles, mais également sociales ou intellectuelles, d’autres auteurs insistent sur l’importance d’utiliser le terme au singulier afin de souligner son potentiel théorique et pratique (Hardt et Negri 2012 ; Dardot et Laval 2014). L’origine étymologique du terme commun, construit sur les locutions latines cum et munus, renvoie à une idée centrale, celle de la mise commun ou de la gestion commune de biens, mettant l’accent sur le fait que le commun « implique donc toujours une certaine obligation de réciprocité liée à l’exercice de responsabilités publiques » (Dardot et Laval 2014 : 23). Ces deux aspects, celui de réciprocité et de responsabilité publique, sont au cœur de la définition historique des communs. Les origines du concept renvoient à une pratique de gestion des terres qui était courante dans différentes régions d’Europe avant la fin du Moyen-Âge et qui consistait en la gestion commune de certaines terres par un groupe de personnes ou d’unités familiales pendant une période de temps limitée. Dans certaines circonstances, tout le monde pouvait avoir accès à ces terres, selon des règles d’usage particulières ; dans d’autres cas, leur usage était restreint et contrôlé. Ce fonctionnement communal a progressivement été mis en cause par les autorités publiques et les cercles politiques à partir du milieu du XVIIIe siècle. En l’espace d’un siècle, la plupart des communs en Europe de l’ouest devinrent ainsi des propriétés privées ou publiques (De Moor 2011 : 425). Ceci correspond au phénomène connu des enclosures qui s’est particulièrement développé en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à travers lequel de larges étendues de champs ouverts, connus sous le nom de terrains communaux ou commons, ont progressivement été parcellisés et enclos (Hemmungs Wirtén 2013 : 2), dans un contexte marqué par l’augmentation démographique et l’industrialisation. Ce retour dans l’histoire est important pour comprendre les confusions qui sont apparues lorsque les chercheurs des différentes disciplines ont commencé à s’intéresser plus largement à la question des communs à partir du milieu du XXe siècle. L’une des confusions les plus importantes a été introduite par le biais du travail de Garrett Hardin dans son célèbre article « The Tragedy of the Commons », publié en 1968, dans lequel il explique que les communs sont susceptibles de surexploitation et donc de disparition. Sa thèse principale repose sur l’idée biaisée que les communs historiques étaient accessibles à tous et en tout temps. À la suite de la parution de cet article, les chercheurs ont ainsi commencé à utiliser le terme de communs pour faire référence à toutes formes de ressources utilisées par tous et sans contrôle, ce qui ne correspond pourtant pas à sa définition historique (De Moor 2011 : 425). L’article de Hardin a ouvert de nombreuses recherches portant sur les solutions à mettre en œuvre pour contrer la dégradation des communs. Mais ces travaux sont souvent restés coincés entre deux options : la prise en charge des communs par l’État ou par le marché. C’est dans ce contexte que le travail de la politologue Elinor Ostrom (1990), en proposant une troisième voie, a eu un retentissement important dans le monde académique, et même au-delà. La publication de son livre Governing the Commons constitue une étape essentielle dans les recherches sur la gestion des communs. Non seulement, elle montre que l’exploitation des communs ne mène pas inéluctablement vers leur fin, mais elle explore la diversité des arrangements institutionnels permettant la gestion de ceux-ci, sans pour autant avoir recours à l’État ou à la privatisation. Sa contribution est consacrée en 2009 lorsqu’elle reçoit, en même temps qu’Oliver Williamson, le prix Nobel d’économie pour son analyse de la gouvernance économique et celle des communs. La création de l’International Association for the Study of the Commons en 1989 ou encore la création de l’International Journal of the Commons en 2007, révélateurs d’un engouement scientifique pour la question des communs, permettent la diffusion des théories et des méthodes dans les différentes disciplines et dans la société civile, à tel point que l’étude même des communs comporte aujourd’hui des enjeux politiques, sociaux et même éthiques (Peugeot et Piron 2015). Les travaux d’Elinor Ostrom s’inscrivent dans une démarche résolument interdisciplinaire puisqu’elle utilise des études de cas, des concepts, des modèles et des méthodes issus de différentes sciences sociales, et tout particulièrement de l’anthropologie. Loin de développer une perspective purement institutionnelle, Ostrom s’intéresse en effet avant tout aux stratégies développées par les acteurs sociaux pour gérer des ressources en commun. Elle s’appuie pour cela sur de nombreuses études de cas développées par des anthropologues pour comprendre par exemple les systèmes d’irrigation au Népal, dans les Philippines ou à Los Angeles, la gestion des forêts en Inde, en Asie, en Afrique et en Amérique latine ou encore la pêche côtière en Inde ou au Canada (Acheson 2011 : 320). Même si son usage de l’anthropologie est qualifié de fragmentaire, puisque sortant ces études de cas de leurs contextes politiques ou culturels, ses travaux sont néanmoins reconnus comme une contribution majeure à la discipline anthropologique (Rabinowitz 2010). Outre celle des interactions entre les hommes et leur environnement, les travaux d’Ostrom rejoignent bien d’autres questions intéressant les anthropologues. Ils interrogent directement la gestion des ressources collectives, la nature des liens de coopération et la fabrique des communautés (Rabinowitz 2010 : 104), la production des normes et des règles sociales, ainsi que de la propriété, privée ou publique (Acheson 2011 : 320). Enfin, en montrant le rôle important de la réciprocité dans la plupart des cas de gestion alternative des ressources, les anthropologues ont mis en évidence, à partir de leurs différents terrains, le fait que l’homme n’était pas uniquement animé par une logique économique, mais que le symbolisme était central dans les pratiques d’échange, renvoyant ainsi aux théories sur le don, concept dont les anthropologues ont étudié les multiples formes dans les sociétés humaines. Dans la foulée des propositions théoriques de Hardin et de Ostrom, un véritable engouement s’est manifesté autour de la question de ces communs naturels, en anthropologie et dans les autres disciplines des sciences sociales. Ces travaux ont fourni des modèles inspirant pour d’autres types d’objets de recherche et plus récemment les chercheurs ont commencé à identifier de nouveaux communs (new commons), comme des biens communs sociaux (social commons) qui constituent des ressources sociales ou des services destinés à des groupes sociaux spécifiques, des communs de nature intellectuelle ou encore culturelle incluant des ressources aussi variées que la musique, l’artisanat, les technologies numériques, etc. (Nonini 2006 : 166-167). Certains anthropologues ont même avancé l’idée que les communs peuvent englober des dimensions plus invisibles de la vie sociale relevant du domaine cognitif, corporel ou affectif, comme par exemple chez les Urarina, peuple indigène du Pérou, pour lesquels la notion même de tranquillité doit être l’objet d’un partage ou d’une réciprocité (Walker 2015). L’extension du concept de communs à des domaines aussi divers de la vie sociale explique aujourd’hui la difficulté à en donner une définition uniforme et certaines ambivalences quant à ses usages et ses analyses. De façon plus générale, la naturalisation du discours sur les biens communs a nécessité de s’engager dans une réflexion critique sur cet objet, ce que l’anthropologie a pu prendre en charge à travers sa capacité à mettre en perspective la production du social. Le succès du terme ne s’est en effet pas limité au milieu académique. Dans le contexte des dernières décennies, alors que des corporations, des gouvernements et d’autres types d’institutions politiques, privées ou non-gouvernementales, ont dépossédé certains groupes humains de leurs ressources dans la mouvance de la globalisation néolibérale, des stratégies de résistance et de lutte pour conserver ou retrouver le contrôle sur ces biens se sont développées (Nonini 2006 : 165). Dans le même temps, les propositions théoriques sur les communs ont mis en valeur des alternatives séduisantes face à la mainmise du marché ou de l’État sur ces ressources. Les anthropologues ont ainsi montré que ces luttes ne concernent pas seulement le contrôle des ressources matérielles mais également le contrôle des significations culturelles associées aux communs et aux processus qui les préservent ou les détruisent (Nonini 2006 : 165). Les stratégies et les perspectives antagonistes des différents groupes se disputant les communs sont ainsi devenues des objets de recherche riches pour l’anthropologie. Dans le contexte sud-américain où la surexploitation des ressources naturelles s’impose comme un nouveau paradigme économique, le constat que chacune des deux parties réutilise le concept de biens communs et de communs pour légitimer, d’un côté l’exploitation des ressources naturelles, et de l’autre la lutte contre cette exploitation, rappelle la nécessité de repenser les fondements ontologiques de chacune de ces deux façons de concevoir la relation entre les humains et le monde naturel. Dans ce cadre, les peuples autochtones nous invitent plutôt à penser ces confrontations ontologiques à travers le concept d’« incommuns » ; celui-ci révèlerait plutôt l’existence et la persistance d’une certaine incompatibilité entre différentes façons d’être au monde. En effet, alors que les entreprises extractrices font reposer leurs justifications sur la distinction entre nature et culture, et plus précisément sur le contrôle de la nature par les êtres humains, les peuples autochtones de leur côté se perçoivent en continuité avec le monde naturel, engagé dans une relation réciproque avec lui et dans l’obligation de le protéger (Blaser et De La Cadena 2017 : 186-187).
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Desveaux, Emmanuel. "Parenté." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.102.

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Abstract:
Au milieu du XIXe siècle, Henry L. Morgan, un avocat américain puritain, fait une découverte considérable : dans toutes les langues humaines, il existe un ensemble de termes servant à désigner les différents types de parents. Si ces mots appartiennent à la langue, la façon dont se répartit leur usage répond à des principes logiques qui la dépassent dans la mesure où ils se retrouvent dans des langues voisines — ou éloignées — qui n’ont rien de commun. La somme des termes de parenté d’une langue forme ainsi une nomenclature, et celle-ci est, de façon universelle, égocentrée. Le fait qui illustre le mieux le caractère métalinguistique du fait nomenclatural réside dans la dichotomie qui prévaut dans de très nombreuses langues — en Amérique, en Australie ou encore en Océanie — entre cousins-parallèles(ceux qui sont issus du frère du père ou de la sœur de la mère), assimilés à des frères et sœurs, et les cousins-croisés(issus de la sœur du père ou du frère de la mère) parmi lesquels il est très souvent possible, voire parfois même obligatoire, de choisir un partenaire matrimonial. Ainsi une règle abstraite engendre les cousins-croisés, à savoir l’inversion de sexe au sein des fratries respectives de mes parents. D’autres règles d’ordre logique prévalent, bien qu’elles soient moins à même de retenir l’attention de la pensée occidentale car elles lui sont coutumières, telles que la différence entre les générations (grands-parents, parents, enfants, petits-enfants) ou la collatéralité (oncles, tantes, neveux et nièces). Surgissent enfin çà et là, notamment en Amérique, mais également en Afrique, d’autres règles qui paraissent encore plus déroutantes que la catégorie de cousins-croisés, telle que l’inclinaison générationnelle. Les Indiens des Plaines nord-américaines en offrent des beaux exemples, d’où l’appellation de systèmes Crow-Omaha, noms de deux tribus de cette région. Dans ce cas, l’individu a des parents appartenant à la même génération biologique que lui, mais qu’il désigne par des termes tels « grand-père », « grand-mère » ou « petit-fils, petite-fille ». Que signifie ce dispositif langagier et son universalité ? Notons alors qu’il s’oppose à un autre dispositif, tout aussi universel, de désignation des individus : celui des noms propres. Ces derniers sont conférés à l’individu, par exemple en vertu du baptême ou d’un autre rite de passage. Ils relèvent toujours d’une métaphore, puisque les noms propres possèdent toujours une signification commune préalable. Le dispositif de la nomenclature de parenté procède, quant à lui, par métonymie; il permet à l’individu, lors de son apprentissage de la langue, de s’approprier cognitivement la relation qu’il entretient avec les personnes qui l’entourent, puis de proche en proche de désigner par lui-mêmeceux qui sont liés à lui. Les deux dispositifs de désignation, l’un passif, l’autre actif, se révèlent universels, bien qu’ils connaissent respectivement de grandes variations, notamment d’étiquette, selon les cultures (Désveaux 2013 : 254). Le fait que les termes de parenté doivent être compris comme les compléments inverses des noms propres nous permet d’affirmer que la parenté en tant que telle renvoie en priorité à l’inscription de l’individu dans l’ordre social par le biais du langage. Ce point a été largement occulté par les parentalistes, car ils sont restés dans leur grande majorité fidèles au moule théorique hérité de Morgan, qui fait de la nomenclature tantôt le marqueur d’une évolution cognitive en quête d’une vérité biologique, tantôt l’expression de principes d’organisation sociale extérieurs à elle. L’inventeur de la parenté avait en effet tiré deux grandes conclusions de ses recherches comparées sur les nomenclatures. Primo, les longs progrès de l’humanité la conduisent à identifier et à isoler la famille nucléaire, dont la famille occidentale offre le modèle accompli. Nos langues ne distinguent-elles l’oncle du père, la tante de la mère, les frères des cousins, etc. ? Selon Morgan (1871), ces nomenclatures seraient descriptivescar elles attesteraient de la réalité des relations biologiques qui relient les individus. Il oppose la lucidité inhérente à nos nomenclatures au caractère aveugle des nomenclatures de la majorité des peuples exotiques primitifs qui, dites classificatoires, rangent dans une même catégorie, ou même classe, des frères et des cousins. Secundo, les termes de parenté reflètent des manières de cohabiter. Ainsi, là où des cousins s’appellent « frère », c’est parce que la société vit encore dans un état de promiscuité qui fait que des enfants issus de couples de géniteurs différents partagent la même maison, autrement dit vivent dans une « famille élargie ». Un premier courant des études de parenté, très présent aux États-Unis, va s’attacher à montrer que les systèmes de parenté, dans toutes les sociétés, même les plus « primitives », visent à certifier le lien « biologique » entre un homme et ses enfants (Sheffler 1973, pour une critique de ce courant, voir Schneider 1968). L’accent est alors mis sur l’étude des comportements plutôt que sur celle des termes et le dialogue avec l’éthologie animale très étroit. La capacité de déceler des ressemblances entre individus serait également tenue pour universelle. Un deuxième courant est plus proprement sociologique. Il cherche à montrer que l’architecture logique d’une nomenclature reflète des règles de filiation et surtout de mariage. L'initiateur de ce courant est Rivers (1913). Délaissant l’heuristique morganienne de la cohabitation, ce dernier montre que le phénomène des cousins-croisés résulte ou reflète une règle particulière d’alliance. Si de génération en génération se reproduit le même type de mariage avec sa cousine issue de l’oncle maternel ou de la tante paternelle, l’ensemble du champ de la parenté se déploie autour de deux lignées qui s’échangent leurs enfants. La démonstration était facilitée par la présence d’une idéologie de l’échange matrimonial chez les Dravidiens, population de l’Inde méridionale, où Rivers enquêtait. Or, Lévi-Strauss amplifie sa démonstration (1949). Le père du structuralisme y montre qu’une altération simple de la règle du mariage avec la cousine-croisée transforme profondément le système. L’interdiction du mariage avec la cousine patrilatérale a en effet pour conséquence de créer une structure d’échange non à deux termes, mais à trois unités échangistes en brisant une réciprocité immédiate au bénéfice d’une réciprocité plus englobante, à trois unités échangistes, voire plus : si les femmes circulent toujours dans le même sens, des donneurs aux preneurs, le système finit par se boucler sur lui-même. Cette nouvelle structure d’échange est dite généralisée et non plus restreinte puisque, à la différence de la première, elle se définit par sa faculté d’intégration d’un assez grand nombre d’unités échangistes, sans que soit altéré son fonctionnement. Toutefois, l’échange matrimonial se métamorphose : il n’est plus une pratique consciente pour les protagonistes, mais s’enfouit dans l’inconscient collectif. Lévi-Strauss va plus loin encore, inspiré à la fois par Le contrat socialde Rousseau et L’essai sur le donde Mauss, en disant que ce principe d’échange matrimonial est commun à toutes les sociétés humaines et se situe à l’origine de l’ordre social. La prohibition de l’inceste, universelle, en serait en quelque sorte la contrepartie négative, puisque afin de marier ma sœur à l’extérieur, je dois renoncer à elle. De ce renoncement, je peux m’attendre à recevoir à mon tour une épouse de celui qui sera mon beau-frère. L’échange des femmes sert la procréation comme il renforce la solidarité sociale. La puissance de ce modèle théorique, ainsi que sa compatibilité avec le freudisme, lui a longtemps garanti une audience considérable. Cette hégémonie s’est surtout exercée en France et en Grande-Bretagne, avant de subir, plus récemment, une certaine désaffection sous l’effet d’un double mouvement critique. D’un point de vue externe à la discipline, l’engouement féministe contemporain rend de plus en plus incongrue l’idée que les femmes soient à la fois des personnes, en tant qu’elles sont sujettes au langage, et des valeurs, en tant qu’objets d’échange. D’un point de vue interne à la discipline, la critique s’avère plus technique. Elle revient à dire que les nomenclatures à cousins-croisés peuvent autant s’expliquer par un impératif dualiste d’ordre cognitif que par des préceptes échangistes et que si leur prévalence n’est pas confirmée par l’ethnographie — comme c’est le cas en Amérique —, elle relève peut-être finalement d’une illusion de la théorie. Il existe une troisième voie dans les études de parenté, ouverte par Kroeber (1909) lorsqu’il disait que les opérateurs sémantiques inhérents à toute nomenclature ne se limitaient pas à la fascinante question des cousins-croisés. Les anthropologues culturalistes américains, peu sensibles au philosophisme lévi-straussien, ont développé ainsi l’approche componentielle, proposant de décomposer les termes de parenté en éléments (en composants) logiques (Goodenough 1956). Si ces recherches n’ont pas débouché sur des résultats spectaculaires, ils ont permis de comprendre que, dans l’ordre de la parenté, la parole abolit la différence des sexes, pourtant très saillante, dans la procréation elle-même, où la femme et l’homme ont des fonctions physiologiques et donc des rôles sociaux très différenciés. Car l'homme et la femme sont à égalité par rapport au langage, qu’ils maîtrisent pareillement. Leurs positions sont interchangeables dès lors qu’il s’agit de socialiser l’enfant en lui apprenant les relations de parenté qui lient tous ceux qui l’entourent. Nous sommes alors loin de l’obsession biologique d’un Morgan, qui pensait devoir fonder la parenté sur l’opposition, traditionnelle en Occident, de la consanguinitéet de l’affinité (Désveaux 2002).
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