Tuncel, Gökçe. "De la place publique aux Forêts du Nord : une étude sociologique des collectifs de lutte écologistes dans l’après-mouvement “Gezi Park” à Istanbul (2013-2018)." Electronic Thesis or Diss., Paris, EHESS, 2024. http://www.theses.fr/2024EHES0023.
Abstract:
Cette thèse étudie les conséquences ou les « échos » du mouvement social « Gezi Park » entre 2013 et 2018. Elle cherche à saisir les impacts sur le plan biographique, organisationnel et politique (culture politique) à travers l’étude de deux collectifs écologistes fondés au lendemain du mouvement : Défense des Forêts du Nord (Kuzey Ormanları Savunması) et Collectif de vélo Don Quichotte (Don Kişot Bisiklet Kolektifi). L’enquête est composée d’observations participantes et de 45 entretiens semi-directifs menés à Istanbul entre 2016 et 2018. Les collectifs de lutte étudiés agissent dans et pour l’espace urbain de la ville d’Istanbul à différentes échelles et se consacrent à des luttes spécifiques. Ils se situent strictement en dehors de la politique institutionnelle, ce qui signifie qu’ils refusent de participer et de coordonner toutes sortes d’actions avec des formations militantes ayant des liens avec les acteurs partisans. Cette étude interroge les dynamiques de politisation multiples, à la fois des individus et des actions des collectifs de lutte. Elle cherche à comprendre comment et par quel chemin les acteurs finissent par être engagés dans ces collectifs de lutte écologistes. Quel est le sens politique, d’après eux, de leur engagement politique dans l’après-mouvement Gezi ? Comment et par quelles modalités qualifient-ils leurs actions de politique, contestataire et écologiste ? Après une introduction qui situe le mouvement Gezi dans l’histoire des luttes écologistes et le relie à une contestation plus large sur la nature et l’idéologie développementaliste de l’Etat turc, la thèse s’organise en deux parties. Elle commence par suivre la trajectoire politique des enquêtés afin d’analyser les conséquences biographiques du mouvement Gezi et de montrer dans quelle mesure, et selon quelles modalités, ces conséquences engendrent ou non des bifurcations, des ruptures, des (re)négociations dans leurs différentes sphères de vie. Son objectif est de comprendre comment et par quels chemins les enquêtés sont amenés à s’investir, durablement, dans les collectifs écologistes post-Gezi au sein d’un contexte socio-politique intense marqué par plusieurs bouleversements et crises politiques entre 2015 et 2018. Elle s’efforce également de montrer comment les enquêtés se retrouvent impliqués dans des dynamiques d’engagement, de désengagement et de réengagement tout en prenant des chemins différents. À la lumière de ces trajectoires individuelles, la thèse donne ensuite à voir la trajectoire collective cette fois-ci à travers le travail mené par les militants dans la définition des enjeux, des revendications, des alliés/adversaires, des actions à adopter, du langage à employer. Ensuite, les registres d’actions contestataires sont analysés à travers les luttes contre les « mégaprojets » du troisième pont et du troisième aéroport tout comme leurs évolutions à l’aune du contexte social et politique. Entre 2013 et 2015, la thèse montre l’importance croissante des modes d’action liés à l’espace, à la dimension matérielle et locale des lieux défendus afin de mettre en évidence comment l’écologie et l’espace urbain se trouvent imbriqués l’un à l’autre dans les registres d’actions des collectifs qui proposent une nouvelle définition et une nouvelle compréhension de ce qui est considéré comme l’espace urbain de la ville d’Istanbul. Ce travail souhaite mettre en évidence la mise en place de différentes stratégies et interroge les registres d’actions qui font l’objet, à partir de 2015, d’adaptation et de discours de justification et de légitimation face au changement de contexte politique. Cette thèse peut contribuer à la littérature de la sociologie des mobilisations écologistes et urbaines et du processus de (dé)politisation des actions collectives ainsi qu’aux études sur les conséquences des mouvements sociaux<br>This thesis studies the consequences or "echoes" of the "Gezi Park" social movement between 2013 and 2018. It seeks to capture the biographical, organizational and political (political culture) impacts through the study of two environmentalist activist groups founded in the aftermath of the Gezi movement: Defense of Northern Forests (Kuzey Ormanları Savunması) and Don Quixote Cycling Collective (Don Kişot Bisiklet Kolektifi). This research is based on participant observations and 45 semi-structured interviews conducted in Istanbul between 2016 and 2018. The activist groups studied act in and for the urban space of the city of Istanbul at different scales and are dedicated to specific struggles. They situate themselves strictly outside institutional politics, which means they refuse to participate and coordinate any kind of actions with militant formations with links to partisan actors. This study examines the multiple dynamics of politicization, both of individuals and the actions of activist groups. It seeks to understand how and by what path actors end up being involved in these environmentalist activist groups. What is the political meaning of their involvement in the post-Gezi movements? How and in what ways do they describe their actions as political, dissident and environmental? After an introduction that situates the Gezi movement in the history of environmentalist struggles and links it to a broader contestation over the nature and developmentalist ideology of the Turkish state, the thesis is organized in two parts. It begins by following the political trajectory of the interviewees in order to analyze the biographical consequences of the Gezi movement and to show to what extent, and in what ways, these consequences do or do not engender bifurcations, ruptures and (re)negotiations in their various spheres of life. Its aim is to understand how and by what paths the respondents are led to invest themselves, sustainably, in post-Gezi environmentalist activist groups within an intense socio-political context marked by several political upheavals and crises between 2015 and 2018. It also endeavors to show how the respondents find themselves involved in dynamics of engagement, disengagement and reengagement while taking different paths.In the light of these individual trajectories, the thesis then looks at the collective trajectory, through the work carried out by activists in defining issues, demands, allies/adversaries, actions to be taken and language to be used. Next, the modes of protest actions are analyzed through the mobilizations against the "megaprojects" of the third bridge and the third airport, as well as their evolution in the light of the social and political context. Between 2013 and 2015, the thesis shows the growing importance of modes of action linked to “space”, to the material and local dimensions of the places defended, in order to highlight how ecology and urban space find themselves intertwined in the collective actions of activist groups proposing a new definition and understanding of what is considered urban space in the city of Istanbul. The aim of this work is to highlight the implementation of different militant strategies and to question the modes of political action that, from 2015 onwards, have been the subject of adaptation and discourses of justification and legitimization in the face of the changing political context. This thesis can contribute to the literature on the sociology of environmental and urban mobilizations and the process of politicization of collective actions, as well as to studies on the consequences of social movements