Fréalle, Emilie. "Champignons filamenteux et systèmes antioxydants : de la phylogénie à l'étude des mécanismes de pathogénicité." Lille 2, 2008. http://www.theses.fr/2008LIL2S015.
Abstract:
Bien que les micromycètes soient des champignons cosmopolites, très répandus dans l'environnement, seules quelques centaines d'espèces, parmi les 100 000 décrites à ce jour, sont régulièrement retrouvées comme agents responsables de mycoses humaines et animales. Ces espèces peuvent notamment être associées à des mycoses profondes, engageant le pronostic vital, qui se développent généralement chez des patients immunodéprimés. Leur incidence croissante au cours des 2 dernières décennies les a propulsées au premier plan des infections nosocomiales. Elle s'est accompagnée d'une diversification des espèces fongiques pathogènes, dont l'émergence résulte d'une adaptation à l'hôte par des mécanismes complexes. Les macrophages alvéolaires et les polynucléaires neutrophiles, par leur capacité à détruire ces microorganismes par production de dérivés oxygénés toxiques, notamment de radicaux superoxyde, jouent un rôle crucial dans ces mécanismes. Les défenses antioxydantes fongiques sont donc un enjeu majeur des processus d'adaptation. Le micromycète dispose de nombreux systèmes antioxydants non enzymatiques, mais le moyen le plus efficace d'éliminer ces dérivés reste la catalyse par les enzymes antioxydantes : superoxyde dismutase (SOD), catalase, enzymes des systèmes glutathion et thiorédoxine. L'objectif de notre travail était de comprendre par 2 approches complémentaires, phylogénétique et physiopathologique, le rôle des systèmes antioxydants fongiques, et plus particulièrement celui des SODs. Les micromycètes possédant classiquement 2 SODs, une MnSOD mitochondriale et une Cu/ZnSOD cytosolique, nous avons centré la première partie de notre étude sur la MnSOD, en (i) étudiant l'évolution des MnSODs chez les micromycètes d'intérêt médical par une analyse phylogénétique, et (ii) comparant la MnSOD, marqueur physiopathologiquement relevant, à un marqueur classique non codant (gènes ITS1 et ITS2 des ARN ribosomaux) pour l'analyse phylogénétique du complexe Trichophyton mentagrophytes. Cette première approche nous a permis de mettre en évidence non seulement l'intérêt taxonomique de ce marqueur discriminant, mais également son intérêt phylogénétique. En effet, pour la première fois, nous avons décrit la présence d'une MnSOD cytosolique (MnSODc), en plus de la MnSOD mitochondriale (MnSODm) classique, chez de nombreux champignons d'intérêt médical. La topologie de l'arbre nous a permis de proposer un scénario évolutif complexe, où apparaîtraient de multiples duplications, dont, notamment, une duplication ancestrale du gène de la MnSODm. Ces duplications multiples au cours de l'évolution pouvant être liées à l'émergence de la pathogénicité, nous avons, dans une deuxième approche, étudié la le rôle de la MnSODc dans la physiopathologie des mycoses profondes en centrant la suite de notre travail sur A. Fumigatus, le pathogène le plus fréquent et responsable de tableaux cliniques graves. Tout d'abord, l'analyse in vitro d'une souche sauvage et des 3 mutants déficients Cu/ZnSOD, MnSODm, et MnSODc, en conditions de culture standard et après un choc oxydant par la ménadione, a mis en évidence le rôle essentiel de la MnSODm à la fois pour la croissance du champignon et dans la défense contre le choc oxydant. La complémentarité des rôles des 2 autres isoenzymes (MnSODc et Cu/ZnSOD) suggérait que la redondance des SODs au niveau cytosolique pourrait permettre de répondre aux besoins de la cellule en fonction des différents stades métaboliques. Par ailleurs, afin de préciser le rôle des SODs et d'aborder en détail les mécanismes antiradicalaires mis en place au cours du choc oxydant, nous avons analysé par méthode microarrays l'effet d'un choc oxydant par la ménadione sur le transcriptome d'A. Fumigatus. Nous avons identifié 69 gènes modulés, impliqués dans 5 processus biologiques principaux : le transport de molécules, la régulation de l'expression génique, les mécanismes d'oxydo-réduction, la synthèse des lipides et la biogénèse de la paroi cellulaire. Une activation de la voie métabolique de l'acétyl-CoA, cohérente avec le rôle métabolique central du cycle de l'acide citrique (ou cycle de Krebs), a également été observée. De façon surprenante, l'expression des SODs n'était pas significativement modulée. Cependant, le rôle d'autres systèmes antioxydants non enzymatiques (isoprénoïdes) et enzymatiques (système thiorédoxine) a pu être mis en évidence, et pourrait donner de nouvelles clés pour mieux comprendre la physiopathologie des mycoses profondes